Urbanisme, aménagement et foncier
le 15/02/2024

L’étude d’impact ne doit pas nécessairement comporter une évaluation des capacités du réseau d’assainissement et du volume d’eaux usées généré par un projet

CE, 10 janvier 2024, n° 468655

La décision du Conseil d’Etat n° 468655 en date du 10 janvier 2024 apporte des précisions sur le contenu de l’étude d’impact des projets.

En l’espèce, la commune de Belle-Eglise dans l’Oise a approuvé une déclaration de projet de réalisation d’un parc d’activité logistique valant mise en compatibilité (MEC) de son plan local d’urbanisme (PLU) sur le fondement de l’article L. 300-6 du Code de l’urbanisme. Dans ce cadre, une étude d’impact des projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements a été réalisée (article R. 122-1 à R. 122-14 du Code de l’environnement).

L’association pour l’aménagement de la Vallée de l’Esches a tenté d’en obtenir l’annulation de la délibération approuvant la déclaration de projet valant MEC devant le Tribunal administratif d’Amiens[1] puis devant la Cour administrative de Douai[2], sans succès. Elle a ensuite formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat.

L’association soutenait que l’étude d’impact devait quantifier, sous peine d’irrégularité, le volume d’eaux usées et évaluer si le réseau d’assainissement était suffisant pour le traiter, autrement dit devait comporter une évaluation des capacités du réseau d’assainissement et du volume d’eaux usées généré par un projet.

Le Conseil d’Etat, après avoir rappelé les dispositions de l’article R. 122-5 du Code de l’environnement relatives au contenu de l’étude d’impact, répond de la manière suivante :

« 2. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que le contenu de l’étude d’impact doit comprendre une description des facteurs mentionnés au III de l’article L. 122-1 du code de l’environnement, parmi lesquels figurent notamment la santé humaine et l’eau. L’étude d’impact doit également comprendre une description des incidences notables que le projet est susceptible d’avoir sur l’environnement, résultant notamment de l’émission de polluants, de la création de nuisances et de l’élimination et la valorisation des déchets. Si les caractéristiques particulières d’un projet peuvent rendre pertinente une évaluation des capacités du réseau d’assainissement et du volume d’eaux usées généré par un projet au sein de l’étude d’impact, il ne résulte ni des dispositions de l’article R. 122-5 du code de l’environnement, ni d’aucune autre disposition législative ou réglementaire qu’une telle évaluation serait au nombre des points obligatoirement traités par l’étude d’impact. Par suite, en écartant pour ce motif le moyen tiré de ce que l’étude d’impact était insuffisante faute d’avoir évalué le volume d’eaux usées généré par le projet et les capacités du réseau d’assainissement, la cour administrative d’appel de Douai n’a pas entaché son arrêt d’une erreur de droit ».

Autrement dit, aucune loi ou règlement n’impose la réalisation d’une évaluation des capacités du réseau d’assainissement et du volume d’eaux usées qu’un projet est susceptible de générer. Toutefois, le Conseil d’Etat précise les « caractéristiques particulières » d’un projet peuvent rendre pertinente une telle évaluation.

Cependant, aucune définition des caractéristiques particulières du projet n’est donnée. L’appréhension de cette notion se fera donc au cas par cas, et les décisions à venir des juges du fond permettront peut-être d’affiner la notion au fur et à mesure qu’ils auront à appliquer cette solution.

En l’espèce, le Conseil d’Etat estime que la Cour n’a pas commis d’erreur de droit en estimant que cette évaluation n’était pas nécessaire pour ce projet de parc d’activité logistique de 41 hectares le long de la route départementale 1001, à proximité de l’autoroute A16, composé d’un pôle logistique comprenant trois entrepôts de grande taille pour une superficie de 31,8 hectares, d’un pôle destiné à l’implantation d’activités et de services pour une superficie de 5,2 hectares et un parc paysagé de 4 hectares comprenant notamment un parcours de santé et un lieu de culture maraichère. En tout état de cause, en l’espèce, l’étude d’impact avait quantifié le volume d’eaux usées à 100 m3 par jour.

Par ailleurs, l’association soutenait que l’arrêt de la Cour n’était pas suffisamment motivé sur l’insuffisance de l’étude d’impact.

Le Conseil d’Etat écarte ce moyen :

« 3. En deuxième lieu, pour écarter le moyen tiré de l’insuffisance de l’étude d’impact, la cour administrative d’appel de Douai a principalement relevé, s’agissant du défaut d’analyse des impacts du projet sur les sols et l’artificialisation des terres, au regard de la vocation agricole du terrain d’assiette du projet, que l’étude préalable agricole traitait de manière suffisante, au regard du 5° du II de l’article R. 122-5 du code de l’environnement, des incidences du projet sur les terres agricoles, dès lors qu’elle présentait une analyse des conséquences du projet sur les exploitations et la filière agricole, que la surface du projet n’excèderait pas 2,7 % des terres agricoles des deux communes d’implantation, et que le terrain d’assiette du projet était déjà classé en zone à urbaniser ce qui ne permettait pas de le regarder comme un terrain agricole pérenne. La cour a également relevé qu’il ne ressortait d’aucune pièce du dossier que le terrain d’assiette du projet comprendrait une zone humide. Si la requérante avait également fait valoir que le contenu de l’étude d’impact était insuffisant en ce qui concerne les incidences du projet sur le climat et la qualité de l’air, notamment au regard des impacts de l’artificialisation projetée, la cour a jugé que ces allégations n’étaient pas de nature à établir une insuffisance de l’étude d’impact et qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier qu’à les supposer établies, ces insuffisances de données et de chiffrage auraient eu, dans les circonstances de l’espèce, pour effet de nuire à l’information complète de la population sur l’incidence du projet sur le trafic routier, les gaz à effet de serre, la qualité de l’air, le bilan carbone et le climat, ou auraient été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative. En statuant ainsi, compte tenu de l’argumentation présentée devant elle et de l’avancement du projet, la cour, qui n’était pas tenue de répondre à tous les arguments soulevés par la requérante, a suffisamment motivé son arrêt ».

 

[1] TA Amiens, 23 février 2021, n°1903593

[2] CAA Douai, 17 mai 2022, n°s 21DAOA251, 21DA01505