La Cour administrative d’appel de Lyon a récemment rappelé que les délibérations fixant les indemnités des élus ne peuvent avoir d’effet rétroactif.
Ainsi, ces délibérations ne peuvent prendre effet à une date antérieure à celle de leur entrée en vigueur, laquelle est, on le rappelle, conditionnée par leur publication et leur transmission au contrôle de légalité (articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du CGCT ; CE, 30 septembre 1988, Commune de Nemours c/ Mme Marquis, n° 85099).
Il s’agit de l’application d’une solution ancienne, en vertu de laquelle les actes administratifs de caractère réglementaire ne peuvent, sauf si la loi en dispose autrement, disposer que pour l’avenir (CE, 25 juin 1948, Société du journal « L’Aurore », Lebon p. 289).
Et le Conseil d’Etat avait déjà eu l’occasion de se prononcer précisément sur la non-rétroactivité des indemnités de fonctions (CE, 28 juillet 1995, Communauté urbaine de Lyon, n° 142146).
La Cour administrative d’appel de Lyon a précisé que, ne sauraient tenir lieu de dérogation prévue par la loi, les articles L. 2123-20-1 et L. 2123-22 combinés du CGCT qui, s’ils ménagent à l’assemblée délibérante nouvellement élue un délai de trois mois pour fixer le barème des indemnités de fonctions et n’imposent pas au maire de ne déléguer ses attributions que postérieurement à la délibération fixant les indemnités, n’instaurent pas non plus de mécanisme de rétroactivité du barème.
Pour être complet, dans son commentaire sur cet arrêt (AJDA 2025.1481), Mme Psilakis, première conseillère à la CAA de Lyon évoque l’éventualité d’un assouplissement de la règle ainsi présentée.
Plus précisément, d’une part, elle relève qu’il existe une insécurité juridique pour les collectivités locales qui, pour des raisons pratiques, ne pourraient se prononcer rapidement après l’installation du nouveau conseil municipal sur le régime indemnitaire des élus communaux et qui adopteraient de ce fait une délibération à caractère rétroactif.
En l’espèce, on rappellera le contexte tout à fait particulier de la crise sanitaire, dans lequel les conseillers municipaux ont été installés en 2020. Ainsi, les délibérations en cause avaient été votées en septembre 2020, alors que les adjoints avaient été élus en juillet, et les délégations octroyées par le maire dans le courant du même mois de juillet.
D’autre part, elle indique qu’outre l’exception législative mentionnée dans la décision susmentionnée Société du journal « L’Aurore », un acte administratif peut, selon le commentaire de cette décision aux GAJA (Grands arrêts de la jurisprudence administrative) comporter un effet rétroactif dans trois séries de cas : la régularisation de mesures antérieures pour tirer les conséquences d’une annulation pour excès de pouvoir, l’édiction d’actes venant s’ajouter à des mesures antérieures dont ils conditionnent l’application et, enfin, le règlement de situations qui ne peuvent être réglées autrement.
Sur ce dernier point, exemple est pris de la décision en date du 7 février 1979, Association des professeurs agrégés des disciplines artistiques (n° 08003), s’agissant de la rétroactivité nécessaire d’un décret pour déterminer les droits à rémunération de professeurs nommés antérieurement.
La magistrate précise que, en l’espèce, la fixation du régime indemnitaire des élus pourrait « éventuellement » relever de la dernière des exceptions ainsi envisagées.
Toutefois, la Cour administrative d’appel de Lyon n’ayant pas été saisie de cette question, celle-ci n’a pu être tranchée.
Il convient toutefois de relever que l’exception envisagée est des plus floues, qu’elle a pu être mentionnée ici dans le contexte très particulier de la crise sanitaire, mais qu’elle serait difficilement retenue en l’absence de circonstances exceptionnelles.
De sorte que la sécurisation juridique des délibérations concernées, qui peuvent impacter directement les élus, supposerait de faire une application stricte du principe de non-rétroactivité.