Energie
le 16/05/2024
Yann-Gaël NICOLAS
Audrey BOCQUET

Les incidences du projet de loi portant simplification de la vie économique sur la production d’énergies renouvelables

Sénat, projet de loi de simplification de la vie économique, 24 avril 2024

Par un projet de loi déposé au Sénat le 24 avril 2024, le ministre de l’Économie, des finances et de la Souveraineté industrielle et numérique a principalement proposé trois simplifications pour accélérer la transition énergétique et écologique de l’économie.

Premièrement, lorsqu’un marché relevant du champ d’application du Code de la commande publique concerne un projet d’installation de production d’énergie renouvelable en mer d’une puissance supérieure à un seuil fixé par décret, ou encore une étude associée à la réalisation d’une telle installation, il est prévu à l’article 16 du projet de loi :

  • Une exonération de l’obligation d’allotir, fixée à l’article L. 2113-10 du Code de la commande publique.

En effet, il ressort de l’étude d’impact que les exceptions à l’obligation d’allotissement aujourd’hui « prévues à l’article 2113-10 du Code de la commande publique ne sont pas adaptées aux spécificités des projets d’infrastructures concourant directement à la transition énergétique, pour lesquels il existe des risques d’interface (liés à la coordination entre intervenants ou à son absence) et de manque d’attractivité pour les entreprises du secteur particulièrement forts ».

  • La renonciation du sous-traitant au paiement direct, à sa demande, permettrait de raccourcir les délais de paiement, et dans certains cas d’alléger la charge administrative et comptable des titulaires des marchés et de leurs sous-traitants qui sont parfois des structures de taille petite ou moyenne.

En effet, l’étude d’impact indique que si « les dispositions relatives au paiement direct ont vocation à protéger les sous-traitants d’une possible défaillance de l’entreprise principale, elles imposent un traitement administratif potentiellement plus lourd à la fois pour le titulaire principal du marché et pour les sous-traitants, générant parfois des risques de délais de traitement supplémentaires ».

Il s’agit de raccourcir les délais de paiement et, dans certains cas, d’alléger la charge administrative du sous-traitant, tout en assurant la protection de ce dernier, qui pourra toujours, s’il le souhaite, conserver son droit au paiement direct (articles 12 et 14 de de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance).

Le montant du seuil envisagé par l’étude d’impact est de 10 millions d’euros – le même seuil retenu par le décret du 27 décembre 2023 d’application de la loi « Industrie verte » sur l’application des offres variables – qui apparaît comme un point d’équilibre garantissant l’efficacité de la mesure et une protection suffisante pour garantir l’accès aux PME à la commande publique sur ces projets.

Ces dispositions seront également applicables aux marchés d’un montant supérieur à un seuil fixé par décret qui portent sur un projet de création ou de modification d’un ouvrage du réseau public de transport ou d’un poste de transformation entre les réseaux publics de transport et de distribution.

Deuxièmement, par une modification de l’article L. 152-5 du Code de l’urbanisme, l’article 20 du projet de loi vise à permettre à l’autorité compétente pour délivrer un permis de construire ou un permis d’aménager ou encore pour prendre la décision sur une déclaration préalable, de déroger, sur décision motivée, aux règles des plans locaux d’urbanisme, afin de contribuer au déploiement des énergies renouvelables comme les panneaux solaires photovoltaïques ou thermiques implantés sur les bâtiments.

Les types d’installations concernées sont les systèmes de production d’énergie renouvelable au sens de l’article L. 211-2 du Code de l’énergie. En pratique, la disposition s’appliquera principalement aux installations de production d’énergie solaire photovoltaïque ou thermique, mais également – selon l’étude d’impact – les pompes à chaleur air/eau collectives.

Troisièmement, l’article 21 vise à clarifier les obligations relatives au biogaz en abrogeant l’article L. 446-1 du Code de l’énergie qui a introduit une obligation de réaliser un bilan carbone pour les dispositifs de soutien au biogaz listés suivantes :

  • l’obligation d’achat à la suite d’une procédure d’appel d’offres prévue à l’article L. 446-5 destiné aux installations de production de biogaz injecté dans un réseau de gaz naturel (sous la forme d’un contrat d’obligation d’achat) ;
  • le complément de rémunération à la suite de procédures d’appels à projets ou d’appels d’offres destinés aux installations de production de biogaz prévues aux articles L. 446-14 et L. 446-15 du Code de l’énergie ;
  • les dispositifs de soutien à la production d’électricité à partir de biogaz dont la procédure de mise en concurrence est lancée en application de l’article L. 311-10 du Code de l’énergie, en vertu de l’article 89 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.

Ainsi, les dispositifs de soutien à la production de biogaz ne prendront plus en compte le bilan carbone des projets de production parmi leurs critères d’éligibilité ou de notation.

La suppression de cet article permet donc de limiter la charge administrative des candidats aux procédures de mise en concurrence mentionnées aux articles L. 311-10, L. 446-5, L.446-14 et L. 446-15 du Code de l’énergie lors de la constitution de dossier de candidature.

Elle permet également d’alléger la charge d’instruction de ces dossiers par les services de la Commission de Régulation de l’Energie, qui n’aura plus besoin d’analyser le bilan carbone fourni dans les dossiers.

Il doit être relevé que cette disposition était, selon l’étude d’impact, redondante avec les obligations relatives à la durabilité et les exigences de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES) des installations de production de biogaz mentionnées aux articles L. 281-5 et L. 281-6 du Code de l’énergie. En effet, en vertu des articles L. 283-1 et suivants du même Code, elles doivent d’ores et déjà justifier du respect des exigences de réduction d’émissions de GES.

Dans son avis n° 408246 rendu le 22 avril 2024, le Conseil d’Etat a relevé que cette obligation d’un bilan carbone demeure néanmoins nécessaire pour les projets de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et d’hydrogène, conformément aux articles L. 314-1 A et L. 812-3 du Code de l’énergie.

Le projet de loi doit être examiné, en procédure accélérée, par le Sénat en séance publique les 3, 4, 5, ainsi qu’éventuellement les 6 et 11 juin 2024.