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le 31/08/2023

Les élections sénatoriales : quelques points de repère pour un scrutin singulier

Le dimanche 24 septembre prochain, le Sénat sera, comme tous les trois ans, renouvelé de moitié.

Reste que, du fait de son caractère indirect, de la territorialisation du scrutin, des modalités de désignation du corps électoral, les modalités d’élection des sénateurs apparaissent peu lisibles, y compris pour des observateurs avisés du monde politique, et, parfois, pour les grands électeurs eux-mêmes.

Voici donc quelques points de repère utiles à l’approche de ce scrutin singulier.

 

I. Sur les modalités d’un scrutin particulier

L’élection des sénateurs se fait au suffrage universel indirect (1), selon des modalités qui varient par département, selon la taille de ces derniers (2).

 

1. Une élection au suffrage universel indirect

Rappelons, à titre liminaire, que le Sénat est une assemblée qui est renouvelée par moitié tous les trois ans, de sorte qu’un mandat de sénateur dure six ans. Le renouvellement de moitié vise notamment à assurer la continuité de l’institution.

C’est surtout le caractère indirect du scrutin et, plus encore, ses modalités, qui le distinguent des autres élections régies par les dispositions du Code électoral puisque les sénateurs sont élus par un collège électoral formé d’élus locaux rassemblés par circonscriptions et pour lesquels le vote est obligatoire, sous peine d’une amende de 100 euros en cas d’abstention non justifiée.

Ce mode particulier d’élection est justifié par son rôle, dévolu par la Constitution, d’assemblée représentante des collectivités territoriales (article 24 de la Constitution).

 

2. Une seule élection, deux modes de scrutin

Une autre particularité de cette élection réside dans le fait qu’elle comporte deux modes de scrutin différents. Il y a lieu de préciser au préalable que chaque circonscription électorale correspond à un département.

Partant, les élections sénatoriales se déroulent soit au scrutin uninominal, soit au scrutin proportionnel, en fonction du nombre de sénateurs à élire par département.

C’est un scrutin uninominal majoritaire à deux tours dans les circonscriptions départementales où il y a au maximum deux sénateurs à désigner et un scrutin proportionnel pour les autres circonscriptions départementales.

L’élection sénatoriale est donc organisée de la façon suivante :

  • S’agissant du scrutin uninominal, la première règle est que le candidat et son remplaçant doivent être de sexe différent (Code électoral, article L. 299). Sa principale spécificité est qu’il se déroule sur un seul jour, y compris s’il y a plusieurs tours de vote, ce qui n’a pas été sans poser certaines difficultés, comme on le verra ci-après. Il n’est pas besoin de convoquer un second tour dès lors qu’un candidat a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés représentant au moins 25 % des inscrits.

S’il y a un ballotage, le second tour est organisé dans l’après-midi, mais chacun peut maintenir sa candidature de sorte qu’il est, dans ces cas-là, fréquent que le candidat élu ne bénéficie que d’une majorité relative.

  • Quant au scrutin proportionnel, les modalités du scrutin sont on ne peut plus classiques, la règles de répartition qui s’applique est la plus forte moyenne et les listes doivent être composées en alternant les candidats de sexe différents (Code électoral, article L. 295).

Précisons enfin, pour être exhaustifs, que douze sénateurs sont élus pour représenter les Français établis hors de France. Naturellement, à défaut de collectivités territoriales hors du territoire de la République, ceux-ci ne peuvent être élus selon les modalités précitées. Les douze sénateurs représentant les Français de l’étranger sont cependant également élus au scrutin indirect, mais par un seul collège formé des membres élus de l’Assemblée des Français de l’étranger.

L’élection a lieu à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne et leur renouvellement a lieu par moitié tous les trois ans.

 

II. Sur la composition du collège électoral

La composition du collège des grands électeurs répond elle aussi à des modalités de désignation complexes, qui peuvent varier au sein des mêmes circonscriptions électorales départementales.

D’abord, il convient de préciser que le collège électoral est systématiquement composé, dans chaque département, de délégués de droit et de délégués élus spécifiquement.

Les délégués de droit, qui font donc automatiquement partie du collège électoral départemental, sont les personnes qui occupent les mandats suivants : députés, sénateurs, conseillers régionaux, conseillers départementaux et conseillers municipaux de communes de plus de 9 000 habitants.

Les délégués élus, qui s’ajoutent donc aux délégués de droit pour composer le collège électoral, sont désignés par les conseils municipaux, selon des modalités qui varient en fonction du nombre d’habitants de la commune et qui sont définies aux articles L. 284 et L. 285 du Code électoral :

  • Dans les communes de moins de 9.000 habitants, communes dont les élus municipaux ne sont par ailleurs pas délégués de droit, le nombre de délégués élus varie de un à quinze, en fonction du nombre de membres du conseil municipal ;
  • Dans les communes de plus de 9.000 habitants, tous les conseillers municipaux sont délégués de droit ;
  • Dans les communes de plus de 30.000 habitants, les conseils municipaux élisent des délégués supplémentaires à raison de 1 pour 800 habitants en sus de 30.000.

Ces délégués élus sont désignés au scrutin de liste à la proportionnelle avec application de la règle de la plus forte moyenne.

S’agissant de l’élection à venir, les délégués élus ont été désignés par un vote qui s’est tenu le 9 juin dernier et c’est un total de 162.000 grands électeurs qui sont convoqués au scrutin du 24 septembre prochain.

 

III. Sur la campagne électorale

Qu’il s’agisse de la propagande électorale (1) ou du financement des campagnes (2), le corpus juridique encadrant la campagne des élections sénatoriales se rapproche sensiblement de celui relatif aux campagnes menées lors des élections au suffrage universel direct.

 

1. Règles relatives à la propagande électorale

En dépit du caractère plus limité du corps électoral et des spécificités afférentes de la campagne, la conception et l’envoi des circulaires et bulletins de vote répondent aux mêmes règles que pour les autres élections (voir notamment Code électoral, articles R. 155 et suivants) et l’envoi aux électeurs peut être effectué par la commission de propagande.

Quant à l’affichage électoral, il ne peut être effectué, le cas échéant, qu’aux frais des candidats, qui ne bénéficient alors d’aucun remboursement de la part de l’Etat.

S’agissant des autres moyens de propagande, les règles sont les suivantes :

  • Réunions électorales: le prêt de salles publiques est possible sans que cela ne contrevienne aux règles de financement des campagnes et à l’article L. 52-8 du Code électoral (CC, 13 février 1998, AN Val d’Oise 5ème circo), les collectivités doivent respecter strictement le principe d’égalité ;
  • Bilan de mandat: ils sont autorisés, par et pour le candidat, à condition qu’il le finance et qu’il apparaisse sur ses comptes de campagne. S’il est élu d’une collectivité qui souhaite faire un compte rendu de mandat au cours de la période préélectorale, les règles de prudence liées à l’application des articles L. 52-1 et L. 52-8 du Code électoral s’appliquent.
  • Fin de campagne: la règle de principe édictée à l’article L. 49 du Code électoral s’applique (interruption de la campagne la veille du scrutin à 0h), moyennant un ajustement pour les circonscriptions où le vote s’effectue au scrutin uninominal (voir ci-après).

A noter que la loi du 2 février 2023 sur le déroulement des élections sénatoriales a opéré des changements à la marge pour les élections au scrutin majoritaire à 2 tours (lesquels ont lieu le même jour). Cette loi nouvelle permet aux candidats de faire campagne entre les deux tours et supprime l’interdiction de diffusion des résultats avant 17h30.

 

2. Règles relatives au financement des campagnes

Depuis le scrutin de 2014, les candidats doivent se soumettre aux règles relatives au financement des campagnes (désignation d’un mandataire financier, ouverture d’un compte de campagne, plafonnement des dépenses, dépôt du compte à la CNCCFP).

Avec un collège électoral bien plus restreint que pour les autres élections, les règles relatives au plafonnement des dépenses sont évidemment plus restrictives. Ainsi, le plafond des dépenses est fixé à 10.000 euros par candidat ou par liste, avec une majoration de quelques centimes par habitant du département qui varie selon le nombre de sénateurs à élire.

Enfin, tout candidat ayant recueilli plus de 5 % des suffrages exprimés percevra une somme forfaitaire correspondant à 50 % du plafond des dépenses autorisées, sous réserve que les sommes aient bien été dépensées.