Intercommunalité
le 20/07/2023
Sophia FADDAOUISophia FADDAOUI

Les conséquences de l’annulation d’un titre exécutoire pour des motifs de forme

CAA Marseille, 26 mai 2023, n° 21MA02126

Le 15 février 2016, le maire d’une commune avait émis un titre de recettes à M. B. au titre de l’occupation du domaine public pour l’exploitation d’un trampoline autorisée par arrêté du 25 janvier de la même année. En l’absence de tout versement de la part de M. B, le Trésor Public lui a notifié, en mai 2019 une saisie administrative à tiers détenteur pour le recouvrement de la somme de 1 800 euros. Ce dernier a alors saisi le Tribunal administratif de Toulon d’une demande en annulation, d’une part, du titre de recette susmentionné, et d’autre part, de la notification de la saisie administrative à tiers détenteur. Il a également demandé à ce qu’il soit ordonné la mainlevée de la saisie à tiers détenteur et à ce qu’il soit enjoint à l’administration de procéder au remboursement des sommes encaissées par le Trésor Public sur la base du titre émis le 15 février 2016. Son recours avait été rejeté, M. B. a relevé appel de ce jugement devant la Cour administrative de Marseille.

La Cour administrative d’appel a rappelé les règles de forme applicables aux titres exécutoires prévues par l’article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : « 10. Un état exécutoire doit indiquer les bases de liquidation de la dette, alors même qu’il serait émis par une personne publique autre que celles pour lesquelles cette obligation […] En application de ce principe, l’administration ne peut mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l’état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels elle se fonde pour mettre les sommes en cause à la charge de ce débiteur ».

Le juge d’appel considère alors dans un premier temps que le titre querellé est insuffisamment motivé faute de mentionner les bases tarifaires de la créance, le requérant peut donc sur ce motif en demander l’annulation :

« 11. Il résulte de l’instruction que le titre contesté émis le 15 février 2016 porte la mention d’un  » droit de terrasse 2016  » pour un  » trampoline  » et un montant total à payer de 3 600 euros. Ces seules mentions sont insuffisantes pour comprendre les bases et éléments de calcul du titre en litige. Si la commune soutient que la créance a été liquidée sur la base d’un arrêté municipal du 25 janvier 2016 qui a été transmis au comptable, il ne résulte pas de l’instruction que ledit arrêté aurait été joint au titre contesté ou aurait préalablement été adressé à M. B…. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que le titre querellé est insuffisamment motivé faute de mentionner les bases tarifaires de la créance et à en demander, pour ce motif, l’annulation ».

Dans un second temps, le juge applique une jurisprudence constante du Conseil d’Etat aux termes de laquelle l’annulation d’un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n’implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d’une régularisation par l’administration, l’extinction de la créance litigieuse, à la différence d’une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre (CE, 5 avril 2019, n° 413712 et CE, 10 juillet 2020, n° 429522) :

« 12. L’annulation d’un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n’implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d’une régularisation par l’administration, l’extinction de la créance litigieuse, à la différence d’une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre. Il en résulte que, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l’annulation d’un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l’administration, il incombe au juge administratif d’examiner les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens qui seraient de nature à justifier le prononcé de la décharge mais retient un moyen mettant en cause la régularité formelle du titre exécutoire, le juge n’est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu’il retient pour annuler le titre : statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande de décharge de la somme litigieuse. Si le jugement est susceptible d’appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n’a pas fait droit à sa demande de décharge. Il appartient alors au juge d’appel, statuant dans le cadre de l’effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à cette demande ».

Le juge constate que M. B. a été autorisé à occuper le domaine public pour l’installation et l’exploitation d’un trampoline sur une plage la commune. L’autorisation ayant été suspendue en raison d’une plainte déposée contre le requérant du fait de son comportement agressif à l’encontre des agents de police municipale, celui-ci a exploité le domaine public durant une période de six mois. Le montant du titre initial, soit 3 600 euros, a été ramené à un montant de 1 800 euros pour tenir compte de la période réelle d’exploitation du domaine public.

Ainsi, conformément à la jurisprudence applicable, la Cour administrative d’appel de Marseille conclue que si M. B. est bien fondé à soutenir que le Tribunal administratif de Toulon n’aurait pas dû rejeter sa demande tendant à l’annulation du titre exécutoire émis à son encontre, aucun autre des moyens développés ne permet de remettre en cause le bien-fondé de sa créance : ni la décharge, ni la restitution des sommes mises à sa charge par ledit titre.

La Cour administrative d’appel annule le jugement du Tribunal administratif ainsi que le titre exécutoire. Dès lors, comme l’annulation d’un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n’implique pas l’extinction de la créance litigieuse, l’administration aura la possibilité de procéder à la régularisation de ce dernier.