Numérique et télécom
le 22/04/2025

Les articles L.332-15 du Code de l’urbanisme et D.407-2 du Code des postes et des communications électroniques n’imposent pas au constructeur d’une maison de réaliser les raccordements aux réseaux cuivre et fibre au droit du terrain

CA, Toulouse, 3e, 9 avril 2025 – n° 24/01876

L’acquéreur d’une maison se plaignait de l’absence de raccordement de ladite maison au réseau PTT, estimant qu’il s’agissait d’un vice caché dont la société venderesse avait connaissance. L’acquéreur soutenait notamment qu’en application de l’article L. 332-15 du Code de l’urbanisme, le raccordement entre la chambre de tirage et la limite de sa parcelle incombait à la société venderesse tandis que cette dernière soutenait que cette obligation incombait à la société Orange, propriétaire du réseau cuivre.

 

La Cour d’appel de Toulouse rappelle que les obligations imposées par l’article L.332-15 du Code de l’urbanisme s’étendent au branchement des équipements propres à l’opération sur les équipements publics qui existent au droit du terrain sur lequel ils sont implantés et notamment aux opérations réalisées à cet effet en empruntant des voies privées ou en usant de servitudes.

 

Elle juge cependant que ces dispositions ne permettent pas de retenir que la société venderesse aurait eu, dès l’origine de la construction, l’obligation d’installer les éléments nécessaires au raccordement entre la maison et le réseau public dans la mesure où il n’est pas établi que l’autorité administrative ayant délivré le permis de construire aurait émis une telle prescription qui n’était pas obligatoire, mais pouvait seulement intervenir ‘en tant que de besoin’.

 

Elle juge aussi qu’une telle obligation ne découle pas de l’article D. 407-2 du Code des postes et communications électroniques qui n’impose pas plus au maître de l’ouvrage de procéder à ce raccordement, dans la mesure où ces dispositions ne concernent que l’obligation mise à la charge des opérateurs des réseaux, de construire des lignes de communication électronique à l’intérieur des propriétés, ce sur quoi ne portait pas le litige dans cette espèce.

 

Cet arrêt éclaire les débats actuels relatifs aux raccordements des immeubles neufs aux réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique.

 

En effet, alors que les opérateurs d’infrastructure affirment qu’il découlerait de l’article L.332-15 du Code de l’urbanisme une obligation de principe pour les constructeurs de réaliser le génie civil du raccordement au droit du terrain (mais pas le câble), le gouvernement et les juridictions judicaires et administratives rappellent au contraire que :

  • Les réseaux de communications électroniques privés ne sont pas des équipements publics au sens de l’article L.332-15 du Code de l’urbanisme (https://www.senat.fr/basile/visio.do?id=qSEQ220701893) ;
  • Le Code de l’urbanisme ne prévoyant pas de raccordement des locaux neufs aux réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, les gestionnaires d’autorisations d’urbanisme ne peuvent donc pas s’appuyer sur l’article L.332-15 pour imposer des prescriptions aux pétitionnaires en matière de fibre optique (https://questions.assemblee-nationale.fr/q16/16-9476QE.htm) ;
  • ni en application du Code de l’urbanisme, ni en application d’un PLU, le raccordement d’une construction neuve à la fibre optique n’est obligatoire (TA Grenoble, 6 décembre 2022, n° 2107713) ;
  • à propos d’un permis de construire qui comportait pourtant des prescriptions au titre de l’article L.332-15 du Code de l’urbanisme, l’obligation d’équiper une propriété en infrastructure d’accueil de la fibre ne pouvait résultait que du règlement du plan local d’urbanisme (TA Grenoble, 3 juillet 2023, n° 2205855) ;
  • En toutes hypothèses, sans prescription dans l’autorisation d’urbanisme, il n’y a pas d’obligation de principe pour le pétitionnaire aux termes de l’article L.332-15 du Code de l’urbanisme (CE, 1er avril 1981, n° 12882 ; CAA LYON, 20 décembre 2022, n° 22LY00744 ; présent arrêt de la cour d’appel de Toulouse).

 

La prochaine entrée en application du règlement 2024/1309 du 29 avril 2024, relatif à des mesures visant à réduire le coût du déploiement de réseaux gigabit de communications électroniques, modifiant le règlement (UE) 2015/2120 et abrogeant la directive 2014/61/UE (appelé règlement sur les infrastructures gigabit), le 12 novembre 2025, sera sans doute l’occasion de rappeler que les obligations des constructeurs d’immeubles en matière d’équipements en réseau à très haut débit ne concernent que l’intérieur de la propriété et pas le domaine public routier au droit du terrain.

 

En effet, la directive 2014/61/UE, transposée en droit français par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, ne vise, en son article 8, que l’infrastructure physique à l’intérieur des immeubles.