Vie des acteurs publics
le 11/07/2024
Agathe DELESCLUSE
Juliette HURET

Les agendas des élus locaux sont des documents administratifs communicables

CE, 31 mai 2024, n° 474473

Par une décision en date du 31 mai 2024, le Conseil d’Etat a jugé que les agendas des élus locaux détenus par la collectivité territoriale au sein de laquelle ils siègent, se rapportant à des activités qui s’inscrivent dans le cadre de leurs fonctions dans la collectivité, présentent le caractère de documents administratifs communicables au sens des articles L. 300-2 et L. 311-1 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA). Pour rappel, le premier aliéna de l’article L. 300-2 du CRPA fournit une définition ainsi qu’une liste non exhaustive d’exemples de documents administratifs :

« Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions ».

Quant à l’article L. 311-1 du CRPA, il fonde l’obligation pour les administrations de publier ou communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande. Le Conseil d’Etat opère néanmoins une distinction entre un agenda se rattachant aux fonctions exercées dans la collectivité qui est communicable, et un agenda personnel qui n’est, quant à lui, pas communicable.

En outre, la communication des agendas des élus locaux se rattachant à l’exercice des fonctions dans la collectivité est conditionnée à « l’occultation, le cas échéant, des mentions relatives à des activités privées ou au libre exercice du mandat électif ainsi que de celles dont la communication porterait atteinte à l’un des secrets et intérêts protégés par la loi, conformément à ce que prévoient les dispositions du Code des relations entre le public et l’administration, y compris des mentions qui seraient susceptibles de révéler le comportement de l’intéressé ou de tiers dans des conditions pouvant leur porter préjudice ».

S’agissant des activités se rattachant au libre exercice du mandat, le rapporteur public ayant conclu sur cette décision a indiqué, dans ce cadre, qu’il convenait d’écarter les rendez-vous qui ne s’inscrivaient pas dans le cadre des fonctions administratives de l’élu, mais dans celui de son activité politique. La Haute juridiction a également rappelé que les administrations n’étaient pas tenues de répondre à des demandes abusives. Elle a ainsi précisé que l’administration peut légalement refuser une demande de communication si « compte tenu de son ampleur, le travail de vérification et d’occultation ferait peser sur elle une charge disproportionnée », notamment au regard de la période, plus ou moins longue, sur laquelle porte cette demande et du nombre d’élus concernés. Cette précision a été rendue nécessaire par la demande en l’espèce, qui portait sur la communication intégrale des agendas de différents élus locaux sur des longues périodes pouvant porter sur plusieurs années, ce qui aurait fait peser sur l’administration une charge de travail disproportionnée.

Ainsi, le Conseil d’Etat a rejeté la requête de l’association tendant à annuler les décisions par lesquelles les demandes de communication lui avaient été toutes refusées. Avant cette décision, les juges du Palais-Royal s’étaient déjà prononcés sur le caractère communicable de courriels des élus (CE, 3 juin 2022, Commune d’Arvillard, n° 452218) et de leurs notes de frais (CE, 8 février 2023, Ville de Paris, n° 452521) :

  • S’agissant des courriels des élus (CE, 3 juin 2022, Commune d’Arvillard, n° 452218), il avait été jugé que « seules les correspondances émises ou reçues, dans le cadre des fonctions exercées au nom de la commune, par le maire, ses adjoints ou les membres du conseil municipal auxquels le maire a délégué une partie de ses fonctions, ont le caractère de documents administratifs au sens des dispositions citées au point 2 de l’article L. 300-2 du Code des relations entre le public et l’administration », tout en précisant qu’étaient exclues les correspondances des élus locaux exprimant des positions personnelles ou des positions prises dans le cadre du libre exercice de leur mandat électif ;
  • S’agissant des notes de frais des élus (CE, 8 février 2023, Ville de Paris, n° 452521), il avait été jugé que les « notes de frais et reçus de déplacements ainsi que [les] notes de frais de restauration et reçus de frais de représentation d’élus locaux ou d’agents publics constituent des documents administratifs, communicables à toute personne qui en fait la demande dans les conditions et sous les réserves prévues par les dispositions du Code des relations entre le public et l’administration ».