Fonction publique
le 11/04/2024

Légalité d’une sanction de révocation prononcée en l’absence de rappel à l’ordre préalable

CE, 28 mars 2024, n° 464688

Précisions sur l’appréciation du caractère proportionné d’une sanction de révocation à l’encontre d’un fonctionnaire.

Par une décision très récente, le Conseil d’Etat est venu préciser qu’une sanction de révocation, sanction la plus élevée sur l’échelle des sanctions (sanction du 4ème groupe), n’a pas à être précédée d’un rappel à l’ordre pour pouvoir être prononcée à l’encontre d’un fonctionnaire. En l’espèce, un praticien hospitalier titulaire s’était vu infliger par son employeur une sanction de révocation compte tenu d’une part, des relations difficiles qu’il entretenait avec ses collègues et de son comportement parfois agressif à leur égard, et d’autre part, des dysfonctionnements du service occasionnés par son comportement.

La Cour administrative d’appel de Versailles, dans un arrêt du 5 avril 2022, avait annulé la sanction de révocation prise en juillet 2017 en se fondant sur le seul motif tiré de ce que depuis la sanction de blâme qui lui avait été infligée en octobre 2013 (sanction du 1er groupe), l’intéressé n’avait pas fait l’objet de rappel à l’ordre. On rappellera qu’un rappel à l’ordre, qui se distingue de l’avertissement et du blâme, n’est pas une sanction disciplinaire (cf. Article L533-1 du code général de la fonction publique). Au soutien de sa requête, l’administration employeur invoquait l’erreur de droit qu’aurait ainsi commise la Cour. Le Conseil d’Etat a accueilli ce moyen après avoir dégagé un considérant de principe en vertu duquel « aucun texte ni aucun principe n’impose que le prononcé de la sanction de révocation soit précédé d’un rappel à l’ordre de l’intéressé ».

La Haute juridiction a non seulement retenu l’erreur de droit commise par la Cour mais également relevé qu’il ressortait des pièces du dossier que l’agent avait été plusieurs fois convoqué par sa hiérarchie pour évoquer les difficultés causées par son comportement. L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles a donc été annulé, et l’affaire renvoyée devant cette même juridiction. Cette décision inédite présente le mérite de rappeler la liberté (sous le contrôle du juge administratif) dont dispose les employeurs publics dans l’appréciation de la proportionnalité d’une sanction à la faute commise par les agents publics. Certaines fautes justifient ainsi, compte tenu des circonstances propres de chaque espèce (nature de la faute, fonctions de l’agent, conséquences sur la collectivité…), le prononcé d’une sanction du 4ème groupe, y compris à l’encontre d’agents sans antécédents disciplinaires ou n’ayant pas fait l’objet de rappels à l’ordre ou de sanction disciplinaire depuis plusieurs années.