Le Conseil d’État a rendu, le 19 août 2025, une décision importante (n° 496157) concernant le retrait d’un permis de construire tacite. Il a jugé que, dès lors que le permis tacite méconnaît une règle objective du Plan Local d’Urbanisme (PLU) dont l’application ne nécessite aucune appréciation des faits, le maire est tenu de retirer ce permis sans avoir à engager une procédure contradictoire préalable.
Une société a déposé, le 23 décembre 2021, une demande de permis de construire pour neuf logements. En l’absence de réponse dans le délai d’instruction, un permis tacite est né le 23 mars 2022. Le maire de la commune a ensuite refusé de délivrer ce permis par un arrêté du 2 juin 2022. Le Tribunal administratif de Caen a annulé cet arrêté, estimant qu’il avait été pris en méconnaissance des dispositions de l’article L. 122-1 du Code des relations entre le public et l’administration, qui impose une procédure contradictoire préalable avant le retrait d’une décision créatrice de droits.
La commune a formé un pourvoi devant le Conseil d’État.
Le Conseil d’État a annulé le jugement du tribunal administratif, estimant que celui-ci avait commis une erreur de droit. Il a rappelé que, dès lors que le permis tacite méconnaît une règle objective du PLU – en l’espèce, l’article U9 du règlement du PLU de la commune, qui limite l’emprise au sol des constructions à 70 % de la surface de la parcelle en secteur Ua – dont l’application ne nécessite aucune appréciation des faits, le maire est tenu de retirer ce permis. Dans ce cas, le moyen tiré de l’absence de procédure contradictoire préalable est inopérant.
Cette décision marque une évolution significative de la jurisprudence en matière de retrait des autorisations d’urbanisme.
En effet, le principe était que le retrait d’une décision créatrice de droits, comme un permis de construire, devait être précédé d’une procédure contradictoire, sauf en cas de fraude. Cette procédure, prévue par l’article L.122-1 du Code des relations entre le public et l’administration, permet au bénéficiaire de présenter ses observations avant toute décision défavorable.
C’est d’ailleurs ce qu’avait rappelé le Tribunal administratif de Caen :
« Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s’il a privé les intéressés d’une garantie. Le respect du caractère contradictoire de la procédure prévue par les articles L. 121-1 et suivants du Code des relations entre le public et l’administration constitue une garantie pour le titulaire du permis de construire que l’autorité administrative entend rapporter. Eu égard à la nature et aux effets d’un tel retrait, le délai de trois mois pour procéder au retrait, prévu par l’article L. 424-5 du Code de l’urbanisme, oblige l’autorité administrative à mettre en œuvre cette décision de manière à éviter que le bénéficiaire du permis ne soit privé de cette garantie. »
Cependant, le Conseil d’État a estimé que l’illégalité du permis tacite était manifeste et résultait d’une règle du PLU, dont l’application ne nécessitait aucune appréciation des faits :
« Toutefois, il ressort de ce même jugement que le tribunal administratif a, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, jugé que le permis litigieux méconnaissait les dispositions de l’article U9 du règlement du plan local d’urbanisme de la commune aux termes desquelles : « En secteur Ua, l’emprise au sol des constructions ne doit pas excéder 70 % de la surface de la parcelle. […] » L’application de ces dispositions n’appelant, en l’espèce, aucune appréciation de fait, le maire était tenu de retirer le permis de construire tacitement accordé le 23 mars 2022. Dès lors le moyen pris de ce que l’arrêté litigieux aurait été pris en méconnaissance des dispositions de l’article L. 122-1 du Code des relations entre le public et l’administration citées ci-dessus faute de procédure contradictoire préalable était inopérant. En se fondant sur ce moyen pour annuler l’arrêté attaqué, le Tribunal administratif de Caen a entaché son jugement d’erreur de droit. ».
L’affaire est renvoyée devant le Tribunal administratif de Caen.
Nul doute que cela constituera la base de nouveaux débats contentieux, notamment dans les cas où le juge administratif requalifiera un refus en retrait d’autorisation.