Le référé pénal environnemental, codifié à l’article L. 216-13 du Code de l’environnement, est un outil juridique d’urgence qui permet, en cas de non-respect de certaines prescriptions environnementales, au juge des libertés et de la détention d’ordonner toute mesure utile en référé – y compris une suspension ou une interdiction des opérations menées – pour mettre un terme ou limiter, à titre conservatoire, les effets d’une pollution.
Le référé pénal environnemental a été introduit par la « Loi sur l’eau » du 3 janvier 1992[1].
Lors de son entrée en vigueur, il permettait aux collectivités territoriales, à leurs groupements, ainsi qu’aux syndicats mixtes, d’entreprendre l’étude, l’exécution et l’exploitation de tous travaux, ouvrages ou installations présentant un caractère d’intérêt général ou d’urgence, afin notamment de lutter contre la pollution, ou encore de protéger et conserver les eaux superficielles et souterraines.
Codifié à l’article L. 216-13 du Code de l’environnement par l’ordonnance du 21 septembre 2000[2], et modifié encore récemment par loi du 22 aout 2021[3], le référé pénal environnemental est un outil juridique d’urgence aux termes duquel :
« En cas de non-respect des prescriptions imposées au titre des articles L. 181-12, L. 211-2, L. 211-3 et L. 214-1 à L. 214-6 ou des mesures édictées en application de l’article L. 171-7 du présent code ou de l’article L. 111-13 du Code minier, le juge des libertés et de la détention peut, à la requête du procureur de la République, agissant d’office ou à la demande de l’autorité administrative, de la victime ou d’une association agréée de protection de l’environnement, ordonner pour une durée d’un an au plus aux personnes physiques et aux personnes morales concernées toute mesure utile, y compris la suspension ou l’interdiction des opérations menées en infraction à la loi pénale ».
La constitutionnalité de ce texte, dans sa rédaction résultant de la loi Climat et résilience du 22 août 2021[4], a été récemment confirmée par le Conseil constitutionnel dans une décision en date du 15 novembre 2024[5].
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Outil de prévention et non de répression, le référé environnemental nécessite, pour être mis en œuvre, la démonstration de la violation d’une prescription environnementale (2) au juge des libertés et de la détention (JLD) ou au juge d’instruction par une personne ayant qualité pour agir (1). Le juge compétent auditionnera alors la personne concernée (3) avant de rendre sa décision (4).
1. Une initiative réservée au Parquet de la République
Seuls le juge des libertés et de la détention (en enquête) et le juge d’instruction (en information judiciaire) peuvent mettre en œuvre le référé pénal environnemental à l’encontre de la personne suspectée d’avoir méconnu une prescription environnementale.
Le juge compétent doit être saisi par requête du Procureur de la République faite :
- D’office ;
- À la demande de l’autorité administrative ;
- À la demande de la victime ;
- À la demande d’une association agréée de protection de l’environnement.
Ainsi, la victime, l’association agréée pour la protection de l’environnement, ou encore l’autorité administrative, ne peuvent pas saisir directement le juge compétent pour faire cesser les effets d’une pollution – mais seulement par le truchement du Procureur.
2. Le champ d’application du référé
Le référé pénal environnemental ne peut être mis en œuvre que dans des cas limitativement énumérés par la loi.
Introduit par la loi de 1992 et codifié en 2000, le référé pénal environnemental était réservé à la méconnaissance des règles applicables en matière d’eau. Il ne pouvait initialement être introduit que pour des situations relatives :
- A la méconnaissance des règles générales liées à la préservation de la qualité et à la répartition des eaux superficielles, souterraines et des eaux de la mer (articles L. 211-2, L. 211-3 du Code de l’environnement).
- Au non-respect des règles relatives aux installations, ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques et entraînant par exemple des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines (articles L. 214-1 à L. 214-6 du Code de l’environnement).
La loi Climat et Résilience du 22 août 2021 a modifié l’article L. 216-13 du Code de l’environnement en élargissant son champ d’application, permettant au juge de prendre toutes les mesures nécessaires pour d’autres situations relatives :
- À la méconnaissance d’enregistrement, d’agrément, d’homologation, de certification ou de déclaration requis par le Code de l’environnement (article L. 171-7 du Code de l’environnement).
- Au non-respect de l’interdiction des recherches et exploitations des hydrocarbures par fracturation hydraulique (article L. 111-13 du Code minier).
- Au non-respect des autorisations environnementales (article L. 181-12 du Code de l’environnement).
Demeure ainsi exclu du champ d’application du référé toute autre atteinte à l’environnement qui n’entrerait pas dans les prescriptions susvisées.
Le champ d’application du référé est considéré comme étant encore trop restreint et mériterait d’être élargi à l’ensemble des atteintes à l’environnement. Une proposition de loi a été déposée en ce sens en 2023 pour intégrer, au champ d’application de l’article L. 216‑13 du Code de l’environnement, l’ensemble des dispositions prévues dans le Code de l’environnement, le Code forestier, ainsi que certains articles du Code rural et de la pêche maritime, du Code minier et de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt[6].
3. L’audition obligatoire de la personne mise en cause et facultative de la victime
Selon l’article L. 216-13 du Code de l’environnement, le JLD ou le juge d’instruction doit, avant de prendre sa décision, auditionner ou convoquer à comparaître dans les 48 heures la personne mise en cause dans la procédure. L’autorité administrative, la victime, ou l’association agréée de protection de l’environnement peuvent également être auditionnées si elles en ont fait la demande.
C’est d’ailleurs sur ce point que le Conseil constitutionnel a récemment eu à connaître de la constitutionnalité de cette procédure de référé ; dans une décision en date du 15 novembre 2024, il a confirmé l’inapplicabilité de la notification du droit de se taire à la personne concernée par le référé[7].
Néanmoins, le Conseil constitutionnel[8], et ensuite la chambre criminelle de la Cour de cassation[9], ont pu ajouter que la notification du droit de se taire est obligatoire lorsque, entendue par le JLD, la personne est suspectée ou poursuivie pénalement pour les faits sur lesquels elle est auditionnée. En effet, puisque les déclarations de la personne concernée sont susceptibles d’être portées à la connaissance de la juridiction de jugement, le droit de se taire doit lui être notifié.
4. La décision
La procédure du référé environnemental n’est pas conditionnée à la caractérisation d’une faute de la personne concernée, qui serait de nature à engager sa responsabilité pénale[10], mais seulement à la constatation d’une atteinte à l’environnement qui nécessite une action en urgence pour en limiter les effets dommageables sur le milieu naturel.
La décision rendue prend la forme d’une ordonnance – immédiatement exécutoire par provision – aux termes de laquelle plusieurs mesures, y compris la suspension ou l’interdiction d’opérations, peuvent être ordonnées pour une durée d’un an au plus, étant précisé que la décision peut être assortie d’une astreinte fixée par jour de retard.
Concernant l’exécution de la mesure conservatoire, la jurisprudence a très récemment déclaré irrecevable la requête en liquidation d’astreinte déposée par une association de protection de l’environnement ayant signalé les faits dès lors qu’aucun texte ne confère à celle-ci la qualité de partie à la procédure de référé environnemental[11]. La Cour de cassation a rappelé, à l’occasion de cette décision – commentée dans notre précédente LAJEEM -, que seul le procureur de la République est compétent pour saisir le juge des libertés et de la détention afin de prendre toute mesure utile et régler la difficulté d’exécution des mesures conservatoires.
S’agissant de la contestation de ces mesures par le mis en cause ou le procureur de la République, les dispositions textuelles prévoient la possibilité d’un appel de cette ordonnance, dans les dix jours suivant la notification ou la signification de la décision. Cette faculté n’est pas ouverte à la victime et aux associations agréées[12].
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Ainsi, l’intérêt principal d’une telle procédure réside dans la possibilité de mettre un terme ou de limiter, à titre conservatoire, les effets d’une pollution dans un but de préservation de l’environnement et de sécurité sanitaire. Le prononcé de ces mesures conservatoires n’est pas subordonné à la caractérisation d’une faute de la personne concernée de nature à engager sa responsabilité pénale.
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[1] Loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau – art. 31
[2] Ordonnance n° 2000-914 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du Code de l’environnement
[3] Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 – art. 284
[4] Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets
[5] Décision n° 2024-1111 QPC du 15 novembre 2024
[6] Proposition de loi visant à adapter la procédure des référés aux enjeux environnementaux, n° 1973, déposée le mardi 5 décembre 2023.
[7] CC n° 2024-1111 QPC du 15 novembre 2024, Syndicat d’aménagement de la vallée de l’Indre
[8] CC n° 2024-1111 QPC du 15 novembre 2024, Syndicat d’aménagement de la vallée de l’Indre
[9] Crim. 28 janvier 2025, n° 24-81.410
[10] Crim. 28 janvier 2020, 19-80.091
[11] Crim. 14 janvier 2025, n° 23-85.490
[12] TJ Lyon, JLD, 16 nov. 2023, n° 22 152000076