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le 23/05/2024

Le principe général du droit à la protection fonctionnelle des agents publics peut fonder l’octroi de la protection fonctionnelle aux conseillers municipaux qui n’exercent pas de fonctions exécutives

CAA Versailles, 9 février 2024, n° 22VE01436

L’obligation de protection fonctionnelle des élus communaux est prévue par les articles L. 2123-34 et L. 2123-35 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), qui visent respectivement les cas dans lesquels l’élu est mis en cause ou victime.

Plus particulièrement, ces deux articles réservent le bénéfice de la protection fonctionnelle aux seuls élus communaux exerçant ou ayant exercé des fonctions exécutives, soit le maire, ses adjoints ou les conseillers ayant reçu une délégation de la part du maire.

Dans l’affaire soumise à la Cour administrative d’appel de Versailles, le conseil municipal de Maurepas avait cependant, sur le fondement de l’article L. 2123-34 du CGCT, accordé la protection fonctionnelle à des conseillers municipaux alors que ceux-ci ne disposaient d’aucune délégation du maire.

Après avoir rappelé que les délibérations attaquées ne pouvaient être prises sur le fondement de l’article L. 2123-34 susvisé, qui ne permet à une commune d’accorder sa protection qu’au maire ou aux seuls élus municipaux le suppléant ou ayant reçu une délégation de sa part, la Cour a néanmoins relevé que ces délibérations auraient pu être prises sur le fondement d’un autre texte ou d’un autre principe que celui dont la méconnaissance est invoquée, à savoir le principe général du droit à la protection fonctionnelle des agents publics[1].

Elle a ainsi rappelé que, aux termes de ce principe général du droit, « cette protection s’applique à tous les agents publics, quel que soit le mode d’accès à leurs fonctions, notamment à l’ensemble des conseillers municipaux, même ceux n’ayant pas reçu de délégation du maire et n’exerçant en conséquence pas de fonction exécutive ».

Faisant usage de son pouvoir de substitution de base légale, la Cour a dès lors considéré que les délibérations du conseil municipal de Maurepas trouvaient leur fondement légal dans le principe général du droit à la protection fonctionnelle des agents publics, qui pouvait être substitué aux dispositions de l’article L. 2123-24 du CGCT.

Conformément aux conditions de mise en œuvre de la substitution de base légale posées par la célèbre jurisprudence « El Bahi »[2], la Cour a alors relevé, en premier lieu, que les conseillers municipaux concernés se trouvaient dans une situation où, en application du principe général précité, la commune pouvait décider de leur accorder la protection fonctionnelle, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n’avait pour effet de priver les intéressés d’aucune garantie et, en troisième lieu, que l’administration disposait du même pouvoir d’appréciation pour appliquer le principe général du droit ou les dispositions de l’article L. 2123-34 du CGCT.

Notons qu’une position inverse avait toutefois été adoptée par la Cour administrative d’appel de Nancy en 2019, laquelle avait considéré que ce principe général du droit n’implique pas que la protection fonctionnelle doive être accordée à ceux des élus qui, n’exerçant aucune fonction exécutive, ne sauraient être regardés comme ayant, en raison de leur seule qualité de membres de l’organe délibérant de leur collectivité, la qualité d’agents publics[3].

Cette appréciation ambivalente sur l’extension du droit à la protection fonctionnelle aux conseillers municipaux n’exerçant pas de fonctions exécutives appelle dès lors une clarification de la part du Conseil d’Etat.

 

[1] CE, 11 février 2015, Min. de la Justice, n° 372359

[2] CE, sect., 3 décembre 2003, Préfet de la Seine-Maritime c/ El Bahi, n° 240267

[3] CAA Nancy, 12 décembre 2019, n° 18NC02134