Vie des acteurs publics
le 08/09/2023

Le port de l’abaya reste bien interdit dans les établissements scolaires : le Conseil d’Etat a rejeté le référé-liberté dirigé contre la note de service du 31 août 2023

CE, ordonnance n° 487891, 7 septembre 2023

Par une ordonnance très attendue, publiée ce jeudi 7 septembre à 18 heures (n°487891), le Conseil d’Etat a rejeté le référé-liberté introduit principalement par l’Association Action Droits des musulmans et tendant à la suspension de la décision d’interdiction de l’abaya issue d’une déclaration du 27 août 2023, d’une note de service du 31 août 2023 et d’une lettre aux parents du 31 août 2023.

Plus précisément, l’Association se prévalait de ce que cette décision était manifestement illégale et portait une atteinte grave à plusieurs libertés fondamentales, soit le droit au respect de la vie privée et familiale, la liberté de culte, le droit à l’éducation et l’intérêt supérieur de l’enfant ainsi que le principe de non-discrimination.

La démonstration et l’articulation entre les différentes libertés que l’Association estimait atteintes se trouvait néanmoins délicate, dès lors qu’il est pour le moins malaisé de faire valoir, à la fois, l’incapacité pour le gouvernement de fonder cette interdiction sur les dispositions de l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation qui prohibe dans les établissements scolaires le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse, et une atteinte à la liberté de culte.

On conviendra, en effet, qu’il est complexe de défendre qu’il ne s’agît pas d’un signe religieux tout en revendiquant le droit de le porter au nom de la liberté de culte.

En tout état de cause, il sera retenu de l’ordonnance du Conseil d’Etat de ce jeudi 7 septembre que celui-ci est venu écarter toute illégalité manifeste de la décision querellée en considérant, en ces termes, que :

« le port de ce type de vêtements [soit les abayas et le qamis], qui ne peuvent être regardés comme étant discrets, constitue une manifestation ostensible de l’appartenance religieuse des élèves concernés méconnaissant l’interdiction posée par les dispositions de l’article L. 145-5-1 du code de l’éducation ».

Pour ce faire, le juge des référés du Conseil d’Etat rappelle au préalable, au sein de sa décision, que :

« le port de ces vêtements s’accompagne en général, notamment au cours du dialogue engagé, en application des dispositions législatives précitées, avec les élèves faisant le choix de les porter, d’un discours mettant en avant des motifs liés à la pratique religieuse ».

Par ailleurs, si, pour certains, l’abaya et le qamis ne peuvent être considérés comme des vêtements proprement religieux, il sera observé que la Haute juridiction a pris soin de souligner que « le choix de ces tenues vestimentaires s’inscrit dans une logique d’affirmation religieuse », ainsi que cela ressort notamment des propos tenus au cours des dialogues engagés avec les élèves.

Il sera encore noté que le Conseil d’Etat a entendu se prononcer sur l’absence d’illégalité manifeste de la décision contestée, en exprimant une position parfaitement claire sur sa légalité en l’état actuel du droit, au regard notamment des dispositions du code de l’éducation.

Dès lors, il est permis de gager qu’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision contestée, ou l’invocation d’une exception d’illégalité à l’occasion d’un recours introduit contre une mesure disciplinaire prise en application de cette décision, ne rencontreraient pas plus de succès auprès du juge administratif.

De plus, si à l’occasion d’un tel contentieux, une question prioritaire de constitutionnalité était soulevée à l’encontre des dispositions de l’article L. 145-5-1 du code de l’éducation – comme semblent le suggérer certains responsables politiques –, son aboutissement nous semble également compromis.

Il est constant, en effet, que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a déjà reconnu la conventionnalité de ces dispositions légales dans un arrêt Ghazal c. France du 30 juin 2009 (n° 29134/08), de sorte que l’on envisage difficilement une prise de position inverse du Conseil Constitutionnel.

Reste que la détermination de l’Association, de certains députés et de plusieurs élèves porteurs de ce type de vêtements augure néanmoins des suites contentieuses largement probables.