Contrats publics
le 15/11/2023

Le non-respect par l’attributaire pressenti du délai de transmission des attestations sociales et fiscales prévu par le règlement de la consultation est sans incidence sur la régularité de la procédure avec négociation.

CE, 26 octobre 2023, n° 474464

Dans le cadre de la passation d’un marché public, la vérification des candidatures (qui est imposée tant par l’article R. 2144-7 du Code de la commande publique que par l’article L. 8222-1 du Code du travail) est une étape importante qui ne doit en aucun cas être négligée : celle-ci permet à l’acheteur public de vérifier que l’opérateur avec lequel il s’apprête à contractualiser ne rentre pas dans un cas d’exclusion figurant aux articles L. 2141-1 à L. 2141-14 du Code de la commande publique et présente ainsi une candidature recevable.

Pour le candidat, cette étape consiste en la transmission à l’acheteur public d’un certain nombre de justificatifs, et notamment des attestations et certificats attestant de la régularité de sa situation sociale et fiscale. Sur la base de ces éléments, l’acheteur public procède ensuite à la vérification de la régularité de sa candidature.

A défaut, l’article R. 2144-7 du Code de la commande publique prévoit que le candidat est éliminé, et que l’acheteur public sollicite le candidat dont l’offre est classée immédiatement après la sienne :

« Si un candidat ou un soumissionnaire se trouve dans un cas d’exclusion, ne satisfait pas aux conditions de participation fixées par l’acheteur, produit, à l’appui de sa candidature, de faux renseignements ou documents, ou ne peut produire dans le délai imparti les documents justificatifs, les moyens de preuve, les compléments ou explications requis par l’acheteur, sa candidature est déclarée irrecevable et le candidat est éliminé.

Dans ce cas, lorsque la vérification des candidatures intervient après la sélection des candidats ou le classement des offres, le candidat ou le soumissionnaire dont la candidature ou l’offre a été classée immédiatement après la sienne est sollicité pour produire les documents nécessaires. Si nécessaire, cette procédure peut être reproduite tant qu’il subsiste des candidatures recevables ou des offres qui n’ont pas été écartées au motif qu’elles sont inappropriées, irrégulières ou inacceptables ».

S’agissant du moment où la transmission des justificatifs est requise, le Conseil d’Etat avait déjà admis que les preuves établissant qu’un candidat ne se trouve pas dans un cas d’interdiction de soumissionner pouvaient être remises postérieurement à la notification de l’attribution du contrat et avant sa signature (CE, 25 janvier 2019, Société Dauphin Télécom, req. n° 421844).

Celui-ci n’avait toutefois pas précisé que cela pouvait également être le cas lorsqu’un délai de transmission de ces attestations est fixé par le règlement de la consultation (ce qui est souvent le cas dans la pratique). Pour cette raison, certains Juges des référés avaient adopté une lecture excessivement rigoureuse et restrictive des dispositions précitées et de la jurisprudence relative au caractère obligatoire des mentions figurant dans un règlement de la consultation, et n’hésitaient pas à annuler des procédures de passation au seul motif que l’attributaire pressenti n’avait pas remis ses certificats et attestations dans le délai prévu par le règlement de consultation, et ce alors même que l’acheteur aurait été mis en mesure de vérifier la régularité de la situation sociale et fiscale de l’attributaire après l’écoulement de ce délai mais avant la signature du marché…

Tel avait été le cas du Juge des référés du Tribunal administratif de Strasbourg, qui avait annulé la procédure de passation d’un marché de maitrise d’œuvre au motif que la remise des attestations par le groupement attributaire pressenti n’était pas intervenue dans les conditions fixées par le règlement de consultation, qui prévoyait que le candidat retenu à titre provisoire avait un délai maximal de six jours pour remettre l’ensemble des attestations et certificats.

Saisi d’un pourvoi par l’acheteur, le Conseil d’Etat a annulé cette ordonnance en considérant que le non-respect du délai de transmission prévu par le règlement de la consultation était sans incidence sur la régularité de la procédure :

« Il ressort des pièces du dossier soumis au Juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg que le groupement dont le mandataire est la société 1090 architectes a transmis l’ensemble des certificats et attestations prévus par les articles R. 2143-6 à R. 2143-10 du Code de la commande publique au stade de sa candidature puis a procédé à une nouvelle transmission entre le 1er mars et le 14 avril 2013 de ces mêmes certificats et attestations en cours de validité. Ces transmissions ont ainsi mis la commune à même de s’assurer que ce groupement était à jour de ses obligations tant lors du dépôt de sa candidature qu’avant la signature du marché, conformément à ce qui a été dit au point 5. Dès lors, la seule circonstance que ces certificats et attestations n’auraient pas été produits dans le délai imparti par les stipulations de l’article 8.2 du règlement de la consultation citées au point précédent est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie. Par suite, en jugeant que cette circonstance constituait un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence susceptible d’avoir lésé M. A.…, le Juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a commis une erreur de droit ».

Cette décision apparaît cohérente avec la jurisprudence rendue en matière de règlement de la consultation, puisqu’il est constant que le principe selon lequel le règlement de la consultation est obligatoire dans toutes ses mentions cède lorsque l’irrégularité au regard de ce règlement est formelle et dénuée de toute portée.

Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat s’est donc très justement attaché à constater que ces attestations avaient été remises à l’acheteur public une première fois au stade de la candidature, et que celui-ci avait ensuite été mis à même de s’assurer que le groupement était toujours à jour de ses obligations, avant la signature du marché[1].

Si cette décision a été rendue s’agissant d’une procédure avec négociation, dans le cadre de laquelle les attestations devaient être remises dès le stade de la candidature, la même règle devrait trouver à s’appliquer dans le cadre d’une procédure ouverte étant précisé que, dans la pratique, la problématique se pose sensiblement dans les mêmes termes puisque les candidats remettent bien souvent spontanément ces documents au moment de leur candidature.

 

[1] La mise à jour de ces attestations est souvent nécessaire au cours d’une procédure de passation, en raison de la durée de validité relativement courte de ces attestations (six mois) par rapport aux délais de procédure.