Contrats publics
le 19/05/2022

Le juge statue ultra-petita lorsqu’il intègre au solde du marché une somme qui n’a fait l’objet d’aucune demande en ce sens

CE, 21 avril 2022, Centre hospitalier de Cannes, n° 45391

Par un arrêt en date du 21 avril 2022, le Conseil d’Etat a estimé qu’une Cour administrative d’appel statue au-delà des conclusions dont elle est saisie en jugeant qu’un acheteur est redevable d’une somme de 61,979,19 euros au titre du solde d’un marché, alors qu’elle n’était saisie d’aucune demande en ce sens.

En l’espèce, le centre hospitalier de Cannes a conclu un marché avec la société Somerco en 2002 portant sur la mission d’ordonnancement, pilotage et coordination (OPC) d’un projet de restructuration complète d’un ensemble immobilier. Ce projet a, par la suite, fait l’objet d’un avenant et d’un marché complémentaire en 2006.

Par décision du 2 mars 2009, l’acheteur a résilié les deux marchés de la société Somerco à ses torts exclusifs.

Cette dernière a alors transmis ses projets de décomptes finaux relatifs à ces deux marchés résiliés comportant des soldes en sa faveur de, respectivement, 925,243,88 euros TTC et 20,606,23 euros TTC. Le projet de décompte final intégrait ainsi un montant de réclamation de 925,243,88 euros TTC au titre de l’exécution du marché principal.

Quant au centre hospitalier, il a notifié à l’opérateur les décomptes généraux des marchés avec un solde en sa faveur de 123,999,73 TTC pour le marché principal et de 8,242,39 euros TTC s’agissant du marché complémentaire.

Le Tribunal administratif de Nice, saisi par la société Somerco, a condamné l’établissement public à verser à la société la somme de 27,134,24 euros TTC.

Sur appel de cette même société, la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé, par un arrêt avant dire droit, que la décision de résiliation du marché aux torts exclusifs de la société n’était pas fondée et a ordonné une expertise sur la nature et le montant des surcoûts de travaux supplémentaires invoqués par la société requérante dans son projet de décompte.

A l’issue de cette expertise, la Cour a réformé le jugement du tribunal et condamné le centre hospitalier de Cannes à verser à la société la somme de 416,760,48 euros TTC.

En cassation, le Conseil d’Etat remarque que le montant des prestations prévues et réalisées dans le cadre du marché principal a fait l’objet d’un accord entre les deux parties sur un montant de 1,039,865,57 euros HT et que ce montant a été couvert en intégralité par le versement des différents acomptes.

La Haute juridiction annule ainsi l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille en considérant qu’« en jugeant que le centre hospitalier était redevable, en outre, d’une somme de 61,979,19 euros au titre du solde du marché alors qu’elle n’était saisie d’aucune demande en ce sens, la cour a statué au-delà des conclusions dont elle était saisie ».