Droit pénal et de la presse
le 22/05/2025
Marlène JOUBIER
Mathieu BREGAL

Le délit de risque causé à autrui sous l’angle de la divulgation d’informations : une récente application jurisprudentielle

Cass. Crim., 11 février 2025, n° 24-82.090

Introduit dans l’arsenal législatif en 2021 et modifié en 2024, le délit de risque causé à autrui par divulgation d’informations personnelles prévue à l’article 223-1-1 du Code pénal sanctionne le fait de « révéler, de diffuser ou de transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier ou de la localiser aux fins de l’exposer ou d’exposer les membres de sa famille à un risque direct d’atteinte à la personne ou aux biens que l’auteur ne pouvait ignorer ».

Par un arrêt du 11 février 2025, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé un arrêt de Cour d’appel qui avait déclaré irrecevables les constitutions de parties civiles de deux policiers présents sur une scène filmée au cours de laquelle un de leur collègue était outragé.

En l’espèce, un fonctionnaire de police avait été pris à partie par un individu, en présence de deux collègues. La scène était filmée par une personne accompagnant l’auteur des faits. Ces deux individus étaient poursuivis, l’un pour outrage à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique, l’autre pour divulgation d’informations personnelles permettant d’identifier ou de localiser une personne dépositaire de l’autorité publique, en l’exposant à un risque direct d’atteinte à sa personne ou à ses biens.

Le tribunal correctionnel condamnait le premier mais relaxait le second et déclarait recevable la seule constitution de partie civile du fonctionnaire directement pris à partie.

Par arrêt du 28 février 2024, la Cour d’appel de Versailles déclarait irrecevables les constitutions de partie civile des fonctionnaires accompagnants, estimant que la prévention fondée sur l’article 223-1-1 du Code pénal ne les visait pas comme victimes, et que les policiers n’étaient ni exposés à un risque direct d’atteinte, ni visés personnellement par les propos outrageants.

Au soutien de leur pourvoi, les policiers arguaient avoir été exposés au même risque d’atteinte que leur collègue pris à partie, dès lors qu’ils apparaissaient dans la vidéo contenant des propos outrageants contre l’ensemble des forces de l’ordre.

La Cour de cassation suivait leur raisonnement en cassant l’arrêt de la Cour d’appel, considérant que les propos diffusés, visant les forces de police dans leur ensemble, exposaient les fonctionnaires apparaissant dans la vidéo à un risque direct d’atteinte à leur personne ou à leurs biens.

Dans un contexte de diffusion publique de propos hostiles visant les forces de l’ordre, la Cour de cassation considère ainsi les policiers identifiables comme victimes d’un risque direct d’atteinte, même s’ils ne sont pas les cibles directes de la divulgation.