Le Conseil d’Etat est récemment venu préciser le calcul de l’indemnisation des investissements non amortis du concessionnaire en cas de résiliation d’un contrat de concession avant son terme.
Dans cette instance, la commune de Fontainebleau avait conclu avec la société auxiliaire de parcs de la région parisienne (SAPP) un contrat d’affermage avec travaux portant sur la modernisation, la rénovation, l’exploitation et l’entretien de parcs de stationnement souterrains et voirie, ainsi qu’un un contrat confiant à cette même société la gestion du stationnement payant sur voirie.
La commune a décidé de résilier ces deux contrats pour un motif d’intérêt général tenant à leur durée excessive de vingt ans. On rappellera, en effet, qu’une personne publique peut décider de résilier un contrat dès lors que sa durée présente un caractère excessif, tirant les conséquences de l’illégalité d’une telle durée[1].
Le concessionnaire résilié a, d’une part, demandé au Tribunal administratif de Melun la reprise des relations contractuelles et, d’autre part, la réparation des préjudices subis par la résiliation illégale des contrats.
Le juge de première instance a d’abord considéré que la durée excessive des concessions ne pouvait, au cas présent, justifier leur résiliation mais que la reprise des relations contractuelles porterait une atteinte excessive aux droits du nouveau délégataire, les deux contrats ayant déjà été réattribués. Puis, par un jugement avant-dire droit du 15 juin 2018, il a jugé que la SAPP était fondée à demander l’indemnisation de son préjudice et a prescrit une expertise afin de l’évaluer.
Finalement, le 28 juillet 2020, le tribunal administratif a condamné la commune de Fontainebleau à verser à la SAPP les sommes de 2.480.474 euros hors taxes au titre de la valeur nette comptable des investissements non amortis à la date de prise d’effet de la résiliation et de 2.201.000 euros hors taxes au titre du manque à gagner pour la période allant de la résiliation des contrats à leur date normale d’échéance, avec intérêts au taux légal capitalisés.
La Cour administrative d’appel de Paris ayant confirmé ce jugement, la commune de Fontainebleau a formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat qui a permis de clarifier le régime d’indemnisation du concessionnaire résilié s’agissant notamment de ses investissements non amortis.
Précisément, il s’agissait pour le Conseil d’Etat de juger si les droits d’entrée et les redevances versés par le concessionnaire à l’autorité concédante en contrepartie de la mise à disposition des ouvrages de la concession devaient être pris en compte dans le calcul de l’indemnisation du concessionnaire résilié au titre de la part non amortie, à la date de la résiliation, des dépenses qu’il avait engagées.
Après avoir rappelé que les sommes versées par le concessionnaire au concédant ne doivent pas être étrangères à l’objet de la concession, le Conseil d’Etat a estimé que « Lorsque la convention de délégation de service public prévoit que ces sommes correspondent à la mise à disposition de biens, évalués nécessairement à la valeur nette comptable, et qu’elle est résiliée par la collectivité délégante avant son terme normal, le délégataire a droit, sauf si le contrat en stipule autrement, à l’indemnisation par la collectivité délégante de la part non amortie de telles sommes correspondant, à la date de la résiliation, à la valeur nette comptable des biens ainsi mis à disposition, si ces biens font retour à la collectivité ou sont repris par celle-ci ».
Il a ainsi considéré que le non-amortissement des sommes, versées en contrepartie de la mise à disposition d’ouvrages nécessaires au fonctionnement du service public, doit faire l’objet d’un remboursement en cas de résiliation du contrat avant son terme, sauf si le contrat en stipule autrement.
Si le concessionnaire a droit à une telle indemnisation, on rappellera cependant que celle-ci est limitée à la valeur nette comptable des ouvrages financés par le concessionnaire, comme l’a précisément rappelé le Conseil d’Etat dans un arrêt rendu le 24 novembre 2023, commenté dans une précédente lettre d’actualités, excluant la réévaluation de l’indemnité de fin de contrat due au concessionnaire en contrepartie de la remise des biens de retour par tout mécanisme contractuel (en l’occurrence un taux moyen des obligations à long terme)[2].
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[1] Voir par exemple CE, 7 mai 2012, Société auxiliaire de parcs de la région parisienne, n° 365043.