Contrats publics
le 19/05/2022

Le délai imparti pour introduire un recours en reprise des relations contractuelles ne peut pas être interrompu par la saisine du CCIRA

CE, 12 avril 2022, n° 452601

Par une décision en date du 12 avril 2022, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de préciser que la saisine du Comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges (CCIRA) tendant à la reprise des relations contractuelles n’était pas de nature à interrompre le délai de deux mois imparti pour introduire un recours en reprise des relations contractuelles (« Béziers II »).

Dans cette affaire, l’Agence régionale d’équipement et d’aménagement de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur (AREA PACA), mandataire de maîtrise d’ouvrage déléguée de la Région dans le cadre d’une opération d’extension et de réhabilitation d’un lycée, avait attribué la maîtrise d’œuvre de ce projet à un groupement conjoint.

Lors de la réception de l’ouvrage, un avis défavorable a été émis par le contrôleur technique s’agissant de l’un des bâtiments du projet.

A la suite d’une mise en demeure restée infructueuse, l’AREA PACA a notifié au mandataire du groupement sa décision de résilier le marché pour faute, par un ordre de service reçu le 5 mars 2018.

Le 27 avril 2018, le mandataire du groupement a saisi le Comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges de Marseille de ce litige.

Il a ensuite saisi le Tribunal administratif de Marseille, par une requête enregistrée le 31 mai 2019, afin qu’il ordonne la reprise des relations contractuelles.

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat énonce le principe qu’il a dégagé dans sa décision « Béziers II », tout en rappelant que ce recours doit s’exercer dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle le cocontractant a été informé de la mesure de résiliation :

« Le juge du contrat, saisi par une partie d’un litige relatif à une mesure d’exécution d’un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d’une telle mesure d’exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles. Elle doit exercer ce recours, y compris si le contrat en cause est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la mesure de résiliation ».

Si le mandataire du groupement de maîtrise d’œuvre avait bien saisi le Comité consultatif interrégional de règlement des litiges avant l’écoulement d’un tel délai, celui-ci a toutefois attendu plus d’un an avant d’introduire sa requête devant le Tribunal administratif de Marseille.

La société requérante affirmait que sa requête n’était pas tardive, en raison de la saisine dudit comité qui était, selon elle, de nature à interrompre le délai de recours en vertu de l’article 127 du Code des marchés publics de l’époque.

La Cour administrative d’appel de Marseille avait considéré que la compétence confiée au CCIRA, qui se borne à la formulation de propositions de solutions amiables aux différends financiers relatifs à l’exécution des marchés publics, ne s’étend pas aux litiges portant exclusivement sur la contestation de la régularité ou du bien-fondé d’une mesure de résiliation en vue d’obtenir la reprise des relations contractuelles.

Dans un deuxième temps, le Conseil d’Etat se réfère donc à l’article 127 du Code des marchés publics, qui disposait, dans sa version alors en vigueur :

« Les pouvoirs adjudicateurs et les titulaires de marchés publics peuvent recourir aux comités consultatifs de règlement amiable des différends ou litiges relatifs aux marchés publics dans des conditions fixées par décret.

Ces comités ont pour mission de rechercher des éléments de droit ou de fait en vue d’une solution amiable et équitable.

La saisine d’un comité consultatif de règlement amiable interrompt le cours des différentes prescriptions.

La saisine du comité suspend les délais de recours contentieux jusqu’à la décision prise par le pouvoir adjudicateur après avis du comité.

La composition, l’organisation et les modalités de fonctionnement des comités consultatifs, notamment les pouvoirs propres de leurs présidents, sont fixés par décret ».

Dans un troisième temps, il se réfère à l’article 1er du décret du 8 décembre 2010 relatif aux comités consultatifs de règlement amiable des différends ou litiges relatifs aux marchés publics alors applicable qui dispose notamment que :

« Les comités de règlement amiable mentionnés à l’article 127 du code des marchés publics ont pour mission de rechercher des éléments de droit ou de fait en vue de proposer une solution amiable et équitable aux différends relatifs à l’exécution des marchés passés en application du code des marchés publics ».

Il en conclut que la compétence du CCIRA ne s’étend pas aux litiges tendant exclusivement à la reprise des relations contractuelles, qui relèvent de la seule compétence du juge du contrat.

La Cour administrative d’appel n’avait donc commis d’erreur de droit en considérant que la saisine de ce comité n’était pas de nature à interrompre le délai de recours de plein contentieux tenant à la reprise des relations contractuelles.