Santé, action sanitaire et sociale
le 15/02/2024

Le Conseil d’Etat vient préciser le régime des autorisations en matière d’actes chirurgicaux

CE, 29 décembre 2023, Société Optical Center, n° 455074

C’est un contentieux intéressant qui vient d’être tranché par le Conseil d’Etat en matière d’autorisation des actes chirurgicaux. Désormais les règles mises en œuvre, tant par les Agences régionales de santé que par les instances ordinales, vont être plus claires et moins sujettes à interprétation. Au mois d’avril 2016, la société Optical Center a ouvert à Lyon un centre de chirurgie réfractive visant à permettre aux patients, souffrant d’anomalie de la puissance optique telles que la myopie, l’astigmatisme, l’hypermétropie ou la presbytie, de bénéficier d’interventions au laser sur la cornée pour corriger ces anomalies. Ayant saisi le Conseil de l’ordre des médecins du Rhône sur les contrats de travail des praticiens salariés du centre devant effectuer ces interventions, la société Optical Center s’est non seulement vue opposer un refus mais ses praticiens ont dû subir des poursuites disciplinaires et pénales du fait de l’appréciation portée sur leur exercice par l’autorité ordinale. En effet, le Conseil de l’ordre des médecins considérait que les interventions au laser pratiquées sur la cornée des patients relevaient des actes chirurgicaux soumis à autorisation préalable de l’Agence régionale de santé. Et qu’à défaut pour la société Optical Center d’avoir sollicité et obtenu cette autorisation, la pratique des ophtalmologistes salariés du centre était illégale.

C’est sous un angle indemnitaire que la société Optical Center va saisir le Tribunal administratif puis la Cour administrative de Lyon. En première instance comme en appel, ses demandes seront rejetées sur des moyens d’incompétence. Le Conseil d’Etat va être amené à se prononcer sur ce dossier et, pour démêler l’écheveau des incompétences soulevées en première instance comme en appel, va devoir se prononcer sur le point de savoir si les techniques d’intervention au laser sur la cornée relèvent bien du régime des actes chirurgicaux soumis à autorisation de l’Agence régionale de santé. Par l’arrêt n° 455074, rendu le 29 décembre 2023 par les 1ères et 4èmes chambres réunies, le Conseil d’Etat vient ainsi rappeler les critères qui, au regard des dispositions du Code de la santé publique, doivent distinguer les actes chirurgicaux soumis à autorisation et ceux pour lesquels cette autorisation n’est pas requise.

Dans le premier temps de son raisonnement, le Conseil d’Etat va rappeler qu’aux termes des dispositions de l’article L. 6122-1 du Code de la santé publique : « Sont soumis à l’autorisation de l’agence régionale de santé les projets relatifs à la création de tout établissement de santé, la conversion, le regroupement des activités de soins […] et l’installation des équipements matériels lourds ». Ces dispositions sont complétées par celles de l’article L. 6122-25 : « sont soumise à autorisation les activités de soins y compris lorsqu’elles sont exercées sous la forme d’alternatives à l’hospitalisation, énumérées ci-après : 1° Médecine ; 2° Chirurgie […]. ».

Enfin, la Haute Juridiction rappelle qu’aux termes de l’article R. 6121-4 du Code de la santé publique, les alternatives à l’hospitalisation comprennent les activités de soins dispensées par des structures pratiquant l’anesthésie ou la chirurgie ambulatoire. Sont ainsi soumis à autorisation de l’Agence régionale de santé les actes chirurgicaux qui nécessitent une anesthésie au sens de l’article D. 6124-91 du Code de la santé publique, pratiquée dans un secteur opératoire qui doit prévoir une zone opératoire protégée propre à garantir la réduction des risques infectieux, suivant en cela les dispositions de l’article D. 6124-302 du même Code.

Or, les actes de chirurgie réfractive, pratiqués en l’espèce par la société Optical Center, sont réalisés directement sur la cornée des patients, par le moyen de techniques laser, n’impliquant ni anesthésie, ni recours à un secteur opératoire. Le Conseil d’Etat en tire donc la conséquence que ces activités ne sont pas soumises à autorisation de l’Agence régionale de santé. On retiendra donc comme déterminants les deux critères désormais rappelés par le Conseil d’Etat.

Pour qu’une activité de chirurgie soit soumise à autorisation de l’Agence régionale de santé il faut qu’elle ait recours à l’anesthésie et qu’elle soit pratiquée en secteur opératoire, suivant la définition que le Code de la santé publique donne de ces deux éléments. Il s’agit d’une grille de lecture qui va faciliter le développement des techniques de chirurgie ambulatoire, à l’heure où tous les moyens doivent être déployés pour éviter le recours à des hospitalisations longues, coûteuses et souvent préjudiciables aux patients. Un éclaircissement qui est donc le bienvenu tant pour les opérateurs, que les agences régionales de santé ou les instances ordinales.