Energie
le 15/02/2023

Le Conseil d’Etat se prononce sur la légalité des mesures d’attribution de volumes additionnels d’Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique (ARENH) aux fournisseurs alternatifs

Arrêt n° 462840 du 3 février 2023

Trois récentes décisions rendues par le Conseil d’Etat sur le mécanisme de l’Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique (ARENH) sont à relever.

Pour rappel, dans le contexte de crise énergétique et afin de contenir la hausse des prix de vente d’électricité, par un décret[1] et deux arrêtés du 11 mars 2022[2], le Gouvernement a, d’une part, porté le volume global maximal d’ARENH pouvant être cédés par la société EDF aux fournisseurs en faisant la demande à 120 TWh pour l’année 2022 et, d’autre part, fixé le prix de ces volumes additionnels d’ARENH à hauteur de 46,2 euros/MWh.

  1. C’est dans ce contexte, et suite au rejet de leur référé suspension le 5 mai 2022, que la société EDF, des syndicats, des membres du conseil d’administration et des représentants des actionnaires minoritaires du groupe EDF ont demandé au Conseil d’Etat d’annuler le décret et les arrêtés susvisés.

Par un arrêt du 3 février 2023, le Conseil d’Etat a rejeté les demandes d’annulation présentées par les requérants.

Il a considéré que les actes contestés, qui ne créaient pas un dispositif distinct du mécanisme de l’ARENH, ne prévoyaient pas une mesure excessive pour atteindre, dans un contexte exceptionnel, les objectifs de libre choix du fournisseur et de stabilité des prix fixés par les articles L. 336-1 et L. 336-2 du Code de l’énergie.

Également, le Conseil d’Etat a considéré que cette mesure ne portait pas une atteinte disproportionnée, au regard des objectifs poursuivis, à la liberté d’entreprendre d’EDF qui dispose du monopole d’exploitation du parc électronucléaire français.

En outre, le Conseil d’Etat a écarté les moyens développés par les requérants sur l’atteinte porté par ces actes au droit de l’Union européenne en estimant que le mécanisme de l’ARENH et son le relèvement ne constituaient pas une aide d’Etat aux fournisseurs alternatifs qui aurait dû être notifiée auprès de la Commission européenne.

  1. Deux fournisseurs alternatifs, la société OHM Energies et la société Sagiterre, ont formé deux référés suspension devant le Conseil d’Etat afin de contester l’ajustement par la CRE des volumes additionnels d’ARENH qui leur ont été attribués.

Ces deux fournisseurs alternatifs s’étaient vu corriger par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) leur demande de volume d’ARENH additionnels dans le cadre de la délibération n° 2022-312 de la CRE du 1er décembre 2021 relative à l’allocation des volumes d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH)[3]. La Commission avait considéré que leurs demandes étaient manifestement surévaluées au regard de leur portefeuille de consommateurs.

S’agissant de la société OHM Energies, la CRE a considéré que ses demandes d’ARENH pour les consommateurs « résidentiels » et pour les consommateurs « petits professionnels » dépassaient les seuils d’alerte prévus par la délibération n° 2022-287 du 10 novembre 2022 de la CRE[4], et que les explications du fournisseur, liées notamment au développement de son offre à venir sur le marché des consommateurs « petits professionnels », déjà annoncé antérieurement par la société sans réalisation concrète, ne permettaient pas de justifier ses demandes.

La CRE a également considéré que les demandes présentées par la société Sagiterre pour les clients résidentiels dépassaient les seuils d’alerte susmentionnés. La justification apportée par le fournisseur sur un développement commerciale en 2023 devant porter son nombre de clients résidentiels de 300 à 20.000 n’a pas convaincu la CRE. En outre, la CRE considérait que la demande de cette société avait déjà été surestimée pour l’année 2022.

Les deux fournisseurs ont ainsi, tous deux, demandé au Conseil d’Etat de suspendre l’exécution de la délibération n° 2022-312 de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) du 1er décembre 2021 relative à l’allocation des volumes d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) dans le cadre du guichet qui s’est clos le 21 novembre 2022, et d’enjoindre la CRE de réexaminer sa demande d’ARENH au plus tard le 31 décembre 2022.

Pourtant, par deux ordonnances du 9 janvier 2023 et du 13 janvier 2023, le Conseil d’Etat a rejeté les demandes de suspension des sociétés OHM Energies et Sagiterre, considérant que les moyens soulevés par les requérantes n’étaient pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions attaquées.

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[1] Décret n° 2022-342 du 11 mars 2022 définissant les modalités spécifiques d’attribution d’un volume additionnel d’électricité pouvant être alloué en 2022, à titre exceptionnel, dans le cadre de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH).

[2] Arrêté du 11 mars 2022 fixant le volume global maximal d’électricité devant être cédé par Electricité de France au titre de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, pris en application de l’article L. 336-2 du code de l’énergie ; Arrêté du 11 mars 2022 pris en application de l’article L. 337-16 du code de l’énergie et fixant le prix des volumes d’électricité additionnels cédés dans le cadre de la période de livraison exceptionnelle instaurée par le décret n° 2022-342 du 11 mars 2022 définissant les modalités spécifiques d’attribution d’un volume additionnel d’électricité pouvant être alloué en 2022, à titre exceptionnel, dans le cadre de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH)

[3] Délibération de la CRE du 1er décembre 2022 relative à l’allocation des volumes d’ARENH dans le cadre du guichet s’étant clos le 21 novembre 2022

[4] Délibération de la CRE du 10 novembre 2022 portant décision sur la méthode de répartition des volumes d’ARENH en cas de dépassement du plafond prévu par la loi et portant communication sur les critères d’évaluation des demandes d’ARENH