Par deux requêtes, la Conférence des bâtonniers de France (CBF) et la Fédération nationale des unions de jeunes avocats (FNUJA) ont demandé l’annulation du décret n° 2022-1379 du 29 octobre 2022 relatif au régime juridique applicable au contentieux des décisions afférentes aux installations de production d’énergie à partir de sources renouvelables (hors énergie éolienne) et aux ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité. Par un arrêt du 12 avril 2024, le Conseil d’Etat a rejeté ces requêtes. Après avoir rappelé l’objet des dispositions attaquées, la présente brève analysera la décision rendue par le Conseil d’Etat.
Pour mémoire, le décret attaqué a introduit dans le Code de justice administrative un article R. 311-6 aux termes duquel les installations de production d’énergie renouvelable, leurs ouvrages connexes et les ouvrages de raccordement aux réseaux de distribution et de transport d’électricité font l’objet d’un régime contentieux spécifique.
Ces dérogations procédurales ne s’appliquent qu’à certaines installations de production d’énergie renouvelable dont la liste est prévue par l’article précité. Sont ainsi concernées par le régime contentieux dérogatoire :
- les installations de méthanisation de déchets non dangereux ou de matière végétale brute, à l’exclusion des installations de méthanisation d’eaux usées ou de boues d’épuration urbaines lorsqu’elles sont méthanisées sur leur site de production ;
- les ouvrages de production d’électricité à partir de l’énergie solaire photovoltaïque d’une puissance égale ou supérieure à 5 MW ;
- les gites géothermiques mentionnés à l’article L. 112-1 du Code minier à l’exclusion des activités de géothermie de minime importance mentionnées à l’article L. 112-2 du même Code ;
- les installations hydroélectriques d’une puissance égale ou supérieure à 3 MW ;
- les ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité de raccordement des installations de production d’électricité susmentionnées.
Le I. de l’article précité fixe la liste des 25 types de décisions auquel il s’applique. On retiendra notamment que ce régime dérogatoire concerne les autorisations environnementales, les autorisations d’urbanisme ou encore les dérogations « espèce protégée ».
Le régime contentieux dérogatoire mis en place repose sur deux points :
- d’une part, le délai de recours est fixé à deux mois et surtout, ne peut pas être prorogé par l’exercice d’un recours administratif ;
- d’autre part, le décret fixe un délai de dix mois à compter de l’enregistrement des requêtes pendant lequel la juridiction saisie doit se prononcer, sans quoi elle sera dessaisie au profit de la juridiction du degré supérieur.
Ainsi, un tribunal administratif devra se prononcer dans les dix mois sous peine d’être dessaisi au profit de la cour administrative d’appel compétente. De même la cour administrative d’appel devra se prononcer dans un délai de dix mois sous peine d’être dessaisi au profit du Conseil d’Etat. Ces dispositions avaient largement été critiquées par les professionnels du droit, donnant lieu à des requêtes de la CBF et de la FNUJA. Ainsi saisi, aux termes de l’arrêt commenté, le Conseil d’Etat a rejeté l’ensemble des moyens soulevés aux motifs que :
- les dispositions de l’article R. 311-6 du Code de justice administrative présentent un caractère temporaire, sont prises dans l’objectif de réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation de certains types d’installations de production d’énergie à partir de sources renouvelables, et par suite ne méconnaissent pas le principe d’égalité entre les justiciables ;
- ni la Déclaration des droits de l’Homme ni la Convention européenne des droits de l’homme, ne consacrent une règle du double degré de juridiction qui s’imposerait au pouvoir réglementaire ;
- l’article R. 311-6 du Code de justice administrative ne porte pas d’atteinte illégale au droit à un recours juridictionnel effectif en ce que le délai de deux mois est également le délai de droit commun ;
- le fait que le délai de recours contentieux contre les décisions concernées ne soit pas prorogé par l’exercice d’un recours administratif ne portent pas d’atteinte illégale au droit à un recours juridictionnel effectif ;
- le principe de non-régression, tel que visé à l’article L. 110-1 du Code de l’environnement, ne peut être invoqué pour contester des dispositions aménageant le régime contentieux applicable aux décisions visées par le décret attaqué.
Le développement des installations de production d’énergie renouvelable voit donc son processus d’accélération confirmé.