Urbanisme, aménagement et foncier
le 17/10/2024

L’arrêté de cessibilité n’a pas à être notifié au preneur à bail d’un bien immobilier et Le délai de recours contentieux introduit par le preneur court à compter de la publication de l’arrêté de cessibilité

CE, 3 octobre 2024, n° 491297

Par arrêté du 16 octobre 2020, le Préfet du Val-de-Marne a déclaré cessibilité au profit d’Ile-de-France Mobilités les parcelles et droits réels nécessaires à la réalisation de la ligne de bus en site propre dite « Tzen 5 » sur le territoire de la commune de Vitry-sur-Seine.

Parmi les parcelles déclarées cessibles, l’une d’elle est occupée par une société titulaire d’un bail commercial. Cette dernière, en sa qualité de preneur à bail d’un bien immobilier, a introduit un recours en excès de pouvoir à l’encontre dudit arrêté de cessibilité.

La société titulaire du bail commercial contestait la tardiveté de son recours contentieux en arguant du fait que l’arrêté de cessibilité aurait dû lui être notifié et que le délai de recours contentieux ne pouvait courir à son encontre à compter de sa publication régulière.

Pour ce faire, elle a introduit une question prioritaire de constitutionnalité en soutenant que les dispositions du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, en particulier, celles des articles L. 1, L. 131-1 et L. 132-1 relatives respectivement à la définition de l’expropriation, à l’enquête parcellaire et à la cessibilité sont entachées d’incompétence négative dans des conditions portant atteinte au principe d’égalité devant la loi, au principe du droit à un procès équitable et du droit à un recours effectif et au principe du droit de propriété, respectivement garantis par les articles 6, 16 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, en ce qu’elles ne prévoient pas la notification de l’arrêté de cessibilité aux propriétaires, aux titulaires de droits réels et aux autres personnes intéressées par la procédure d’expropriation ni n’imposent au pouvoir réglementaire de le faire.

Problématique : par le présent arrêt, le Conseil d’Etat a donc eu à se prononcer sur le point de savoir si l’arrêté de cessibilité devait être notifié ou publié à l’égard d’un preneur à bail, titulaire d’un simple droit personnel.

Le Conseil d’Etat a commencé par rappeler le cadre juridique applicable en rappelant le principe suivant lequel, en vertu des dispositions des articles L.221-8 du Code des relations entre le public et l’administration et l’article R. 421-1 du Code de justice administrative :

  • 1°) Une décision individuelle expresse est opposable à une personne qui en fait l’objet lorsqu’elle lui a été notifiée, sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d’autres formalités préalables ;
  • 2°) La juridiction peut être saisie d’un recours contre une décision dans les deux mois de sa notification ou de sa publication.

Il a ensuite relevé, implicitement, qu’aucune disposition législative et réglementaire contraire ou autre formalité préalable étaient prévues au Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique en énonçant que :

  • 1°) L’article L. 131-1 du Code de l’expropriation relatif à l’enquête parcellaire précise que les règles relatives à la recherche des propriétaires et titulaires de droits réels concernés par l’expropriation sont fixées par décret ;
  • 2°) L’article L. 132-1, al.1er du même Code relatif à la cessibilité énonce que l’autorité compétente déclare cessibles les parcelles ou les droits réels immobiliers dont l’expropriation est nécessaire à la réalisation de l’opération déclarée d’utilité publique ;
  • 3°) L’article R. 132-2 du même Code énonce que les propriétés déclarées cessibles sont désignées conformément aux prescriptions de l’article 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière. L’identité des propriétaires est précisée conformément aux prescriptions du premier alinéa de l’article 5 ou du premier alinéa de l’article 6 de ce décret.

A notre sens, il s’en déduit que ceux qui font explicitement l’objet de l’arrêté de cessibilité sont les propriétaires et les titulaires de droits réels.

Pour ce motif, le Conseil d’Etat pose que si le preneur à bail d’un bien immobilier, titulaire de droits personnels à ce titre, justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour contester devant le juge de l’excès de pouvoir la légalité d’un arrêté déclarant cessible une parcelle dont il est locataire, il n’est pas, à la différence du propriétaire de la parcelle, au nombre des personnes destinataires de cet arrêté auxquelles il doit être notifié. Par suite, la publication régulière d’un tel arrêté a pour effet de faire courir le délai de recours contentieux à son encontre.

Ainsi, concernant la question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil d’Etat la rejette au motif que la fixation des modalités de publicités d’un acte administratif tel que l’arrêté de cessibilité et les règles relatives au délai de recours contre cet acte ne relève d’aucun principe ou règle dont la détermination incombe à la loi en vertu de l’article 34 de la Constitution. Un tel grief revêt, au contraire, un caractère réglementaire.

Et, concernant le bien-fondé de la décision attaquée, le Conseil d’Etat précise que c’est à bon droit que les juges du fond ont retenu que l’arrêté de cessibilité n’avait pas à être notifié au preneur à bail d’un bien immobilier, que le délai de recours contentieux courrait à son encontre à partir de la publication de l’arrêté de cessibilité et que le droit au recours effectif garanti par l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’avait pas été méconnu.