Urbanisme, aménagement et foncier
le 16/06/2022

L’appréciation de l’impact sur les lieux avoisinants d’un projet de construction assorti de démolitions

CE, 12 mai 2022, n° 453959

Par une décision en date du 12 mai dernier, le Conseil d’Etat a précisé que, lorsqu’un permis de construire porte à la fois sur la construction et sur la démolition d’une construction existante nécessaire à cette opération, il appartient à l’autorité administrative, pour rechercher l’existence d’une atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ou à la conservation des perspectives monumentales, d’apprécier l’impact non de la seule démolition de la construction existante mais de son remplacement par la construction autorisée.

Dans cette affaire, par un arrêté en date du 24 janvier 2018, le Maire de la commune de Raincy (Seine-Saint-Denis) a refusé de délivrer à la société Léane un permis de construire valant permis de démolir pour la construction d’un ensemble immobilier de cinquante logements, dont quinze logements sociaux, répartis en deux résidences indépendantes, avec cinquante-quatre places de stationnement sur deux niveaux de sous-sol. Pour ce faire, le Maire s’est fondé sur la méconnaissance par le projet des articles R. 111-27 et UA11 du règlement de la zone UA du PLU, relatifs à l’insertion des constructions dans leur environnement.

Le Tribunal administratif de Montreuil, saisi de cette affaire, a rejeté le recours pour excès de pouvoir ainsi que les conclusions indemnitaires sollicitées par la société Léane. Cette dernière a interjeté appel de ce jugement devant la Cour administrative d’appel de Versailles, en vue d’en obtenir l’annulation. La Présidente assesseure de la 6e chambre de la Cour administrative d’appel a, toutefois, également rejeté la requête de la société Léane en retenant, pour ce faire, que le projet emportait la démolition de bâtiments qui présentaient une grande qualité architecturale.

Dans ce contexte, le Conseil d’État, saisi par la société Léane, s’est prononcé sur l’appréciation de l’impact d’un projet de construction lorsque le permis de construire sollicité comprend des démolitions nécessaires à la réalisation de l’opération.

Pour ce faire, outre les dispositions particulières de l’article UA11 du règlement de la zone UA du plan local d’urbanisme de la commune du Raincy, le Conseil d’Etat a rappelé que les dispositions de l’article R. 111-27 du Code de l’urbanisme prévoient que :

 » Les constructions, bâtiments et ouvrages à édifier ou à modifier, ne doivent pas, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains, ainsi qu’à la conservation des perspectives, en particulier à proximité des bâtiments remarquables identifiés au plan de zonage « .

Le Conseil d’Etat a précisé que ces dispositions ont pour objet de régir, non les démolitions, mais les constructions, le cas échéant s’accompagnant des démolitions nécessaires.

A ce titre, s’inscrivant dans la continuité de sa jurisprudence Association Engoulevent (13 juillet 2012, req. n° 345970), le Conseil d’Etat a rappelé que « pour rechercher l’existence d’une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il […] appartient [à l’autorité administrative] d’apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d’évaluer, dans un second temps, l’impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu’il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité du permis de construire délivré, à une balance d’intérêts divers en présence, autres que ceux visés par les dispositions mentionnées ci-dessus ».

S’agissant des permis de construire comprenant des démolitions nécessaires à la réalisation du projet, le Conseil d’Etat précise sa jurisprudence et indique que :

« 4. Il n’en va pas différemment lorsqu’il a été fait usage de l’article L. 451-1 du Code de l’urbanisme permettant que la demande de permis de construire porte à la fois sur la construction et sur la démolition d’une construction existante, lorsque cette démolition est nécessaire à cette opération. Dans un tel cas, il appartient à l’administration d’apprécier l’impact, sur le site, non de la seule démolition de la construction existante mais de son remplacement par la construction autorisée ».

Ainsi, la méthode d’appréciation en deux temps trouve également à s’appliquer lorsque le permis de construire porte à la fois sur la construction et sur la démolition d’une construction existante (article L. 451-1 du Code de l’urbanisme), lorsque cette démolition est nécessaire à cette opération. Dans un tel cas, le service instructeur doit apprécier l’impact, sur le site, non de la seule démolition de la construction existante mais de son remplacement par la construction autorisée.

Par suite, le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance rendue par la Cour administrative de Versailles et renvoyé l’affaire devant cette dernière.