La position du Conseil d’Etat était particulièrement attendue sur la portée de l’absence de notification du droit de se taire, applicable immédiatement aux instances en cours et qui, de ce fait, pouvait entraîner l’irrégularité de procédures réalisées plusieurs mois voire années avant l’édiction de ce principe.
Par deux décisions du même jour le Conseil d’Etat, amené à statuer dans sa formation de Section, a apporté des précisions et surtout apporté les nuances nécessaires dans l’application de ce principe.
Dans la décision commentée rendue sous le n° 490157, la Haute Juridiction a indiqué :
- D’une part, que la notification du droit de se taire n’a pas à intervenir dans les échanges ordinaires s’inscrivant dans l’exercice du pouvoir hiérarchique, ni au stade de l’enquête administrative, sauf dans le cas où l’enquête interviendrait après l’ouverture d’une procédure disciplinaire ;
- D’autre part, même en cas d’absence d’information du droit de se taire, cela ne sera susceptible de vicier la procédure que si la sanction infligée repose de manière déterminante sur des propos tenus au cours de la procédure disciplinaire.
Il s’agit d’une atténuation importante et salutaire qui devrait largement limiter les annulations « sèches » prononcées par les tribunaux et les cours administratives d’appel depuis la décision du Conseil constitutionnel en date du 4 octobre 2024 (cf. notre brève sur le sujet : https://www.seban-associes.avocat.fr/garantie-du-droit-de-se-taire-le-conseil-constitutionnel-confirme-son-opposabilite-en-matiere-disciplinaire/ ).
Ainsi, et dans la veine de la célèbre jurisprudence « Danthony »[1], il appartient au juge administratif d’examiner, dans les circonstances de chaque espèce, si la sanction infligée reposait de manière déterminante sur des propos exprimés par l’agent qui n’aurait pas été informé du droit de se taire.
Cela permettra pour les contentieux en cours et initiés en l’absence de notification du droit de se taire d’échapper à la censure tirée d’un vice de procédure lorsque la sanction ne serait pas fondée de manière déterminante sur les propos prononcés par l’agent, mais était justifiée par d’autres éléments objectifs tels que des témoignages ou un rapport hiérarchique, par exemple.
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[1] CE, Ass., 23 décembre 2011, n° 335033, publié au recueil Lebon.