Par une décision en date du 28 mai 2024, le Conseil d’Etat a apporté un nouvel éclairage sur ce qui caractérise, ou non, un certificat de complaisance contraire à la déontologie médicale.
A l’heure où il est porté une attention particulière à la délivrance des arrêts de travail et à leur fondement, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur un arrêt indiquant l’existence d’un « burn-out », c’est-à-dire d’un syndrome d’épuisement professionnel, en considérant que cette seule mention ne constitue pas une faute déontologique de la part du médecin qui l’établit.
Pour rappel, l’article R. 4127-28 du Code de la santé publique dispose que « la délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance est interdite ».
C’est sur la base de cet article que dans cette espèce, la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins a confirmé la sanction de l’avertissement qui avait été infligée à une médecin spécialiste, également qualifiée en médecine généraliste, qui avait établi une prolongation d’un arrêt de travail d’une salariée en indiquant comme motif « burn-out ».
Pour justifier la sanction ainsi prononcée, la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins a considéré que l’arrêt de travail ainsi émis avait méconnu les recommandations de bonne pratique de la Haute Autorité de santé. Selon elle, en effet, il appartient au médecin généraliste diagnostiquant un burn-out, d’en échanger préalablement avec le médecin du travail. Le médecin généraliste ne peut donc en principe se fonder sur les seuls dires de la patiente pour établir un tel constat. Toutefois, le rapporteur public sur cette affaire, Monsieur Raphaël Chambon, a d’abord rappelé la jurisprudence du Conseil d’Etat en la matière et en particulier la décision en date du 6 juin 2018 par laquelle il a été considéré que la circonstance qu’un certificat établi par le médecin du travail prenne parti sur un lien entre l’état de santé d’un salarié et ses conditions d’exercice au sein de l’entreprise ne constitue pas un rapport tendancieux au sens des dispositions précitées de l’article R. 4127-28 du Code de la santé publique, sous réserve que le médecin l’ait personnellement constaté et que ces considérations n’aient pas seulement été rapportées par son patient (CE, 6 juin 2018, n° 405453, mentionné aux tables du recueil Lebon).
Ensuite, le rapporteur public a considéré que la caractérisation d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance supposait soit, l’immixtion du médecin dans une situation ou un conflit qui ne le concerne pas, soit que le contenu de l’arrêt délivré s’avère délibérément inexact ou mensonger.
La Haute Juridiction a ainsi estimé que « la seule circonstance que Mme C… ait fait état de ce qu’elle avait constaté l’existence d’un syndrome d’épuisement professionnel sans disposer de l’analyse des conditions de travail du salarié émanant notamment du médecin du travail ne saurait caractériser l’établissement d’un certificat tendancieux ou de complaisance au sens des dispositions de l’article R. 4127-28 du code de la santé publique » et que la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins avait inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis et lui a donc renvoyé l’affaire, après avoir annulé la sanction.
Si cette décision revêt une certaine importance dans la mesure où les médecins – tant généralistes que les médecins du travail – peuvent être fréquemment amenés à être consultés par des agents au motif d’un épuisement professionnel, il doit néanmoins être rappelé que ce constat ne peut être retenu qu’en cas de constatations personnelles de leur part et que ce constat ne permettra pas nécessairement au Juge administratif de considérer qu’il existe un contexte de travail pathogène (en ce sens, par exemple : CAA Bordeaux, 16 novembre 2020, n° 18BX03460).