Projets immobiliers publics privés
le 13/04/2023
Anna MARIEAnna MARIE

La révocation d’une promesse de vente, conclue antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, et avant l’expiration du temps laissé au bénéficiaire pour opter, n’empêche pas la formation du contrat promis

Cass. Com., 15 mars 2023, n° 21-20.399

Par son arrêt inédit en date du 15 mars 2023, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a opéré un revirement majeur de jurisprudence, en considérant que la Cour d’appel avait violé l’article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, en considérant que la levée d’option par le bénéficiaire, postérieurement à la rétractation du promettant, excluait toute rencontre des volonté réciproques, et ainsi la vente parfaite du bien objet de ladite promesse.

En l’espèce, par protocole cadre en date du 21 juin 2012, la société MG a notamment consenti une promesse unilatérale de cession de 13 % des actions de sa filiale, la société C2G, au profit de la société CTG, cette dernière devant lever l’option dans les six mois de la tenue de l’assemblée générale, approuvant les comptes clos au 31 décembre 2015.

Le 8 mars 2016, la société MG, notifiait à la société GTD la rétractation de sa promesse unilatérale, tandis que la société bénéficiaire levait l’option le 28 juin 2016.

Dans ces conditions, la société GTD assignait dès lors la promettante en exécution forcée de la promesse et en paiement de dommages-intérêts.

En appel, pour débouter la société GTD de ses demandes, les juges du fond ont considéré que sous l’empire du droit antérieur à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, la levée de l’option par le bénéficiaire de la promesse unilatérale, postérieurement à la rétractation du promettant, excluait « toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir ».

Dans sa motivation pour le moins surprenante, la Cour de cassation rappelle qu’elle jugeait depuis de nombreuses années que « la levée de l’option par le bénéficiaire d’une promesse unilatérale de vente, postérieurement à la rétractation du promettant excluait toute rencontre de volontés réciproques de vendre et d’acquérir, de sorte que la réalisation forcée de la vente ne pouvait être ordonnée ».

Or, par l’ordonnance en date du 10 février 2016, le législateur est intervenu pour modifier la sanction de la rétractation illicite, en prévoyant à l’alinéa 2 de l’article 1124 du Code civil que « la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis […] ».

Ainsi, nonobstant le fait que l’article 9 du 10 février 2016 prévoit que ses dispositions ne sont applicables qu’aux contrats conclus postérieurement à son entrée en vigueur, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a considéré qu’il était impératif d’harmoniser sa jurisprudence avec celle de la troisième chambre civile, qui juge que « le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès cette promesse et ne peut pas se rétracter , même avant l’ouverture du délai d’option offert au bénéficiaire, sauf stipulation contraire  ».

La Chambre commerciale précisait en outre que les exigences de la sécurité juridique et de protection de la confiance légitime des justiciables ne consacrait de droit acquis à une jurisprudence constante. Il était en effet souligné que conformément à la jurisprudence de la CEDH, l’absence d’une approche dynamique et évolutive de la jurisprudence « serait susceptible d’entraver tout changement ou amélioration ».

Enfin, la Cour de cassation a considéré que les conséquences du revirement de sa jurisprudence pour la société MG n’apparaissait pas disproportionnée, dans la mesure où en l’état de la jurisprudence antérieure, cette dernière aurait dû payer des dommages-intérêts pour réparer le préjudice causé par sa faute.

En conséquence, il y avait lieu d’appliquer à la présente espèce le principe selon lequel la révocation de la promesse avant l’expiration du temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis.