Fonction publique
le 15/02/2024

La question de l’autorité du cabinet de l’autorité territoriale sur les services de la collectivité

Question écrite n° 07918 de M. Jean-Pierre Corbisez du 20 juillet 2023, Réponse publiée dans le JO Sénat du 4 janvier 2024

Il est admis que le directeur de cabinet ne peut disposer d’une autorité hiérarchique sur les agents de la collectivité en dehors des membres de son cabinet, c’est-à-dire sur les agents occupant des emplois administratifs, ce rôle étant dévolu au directeur général des services en application de l’article 2 du décret n° 87-1101 du 30 décembre 1987.

Le Ministre de l’intérieur avait d’ailleurs rappelé à cet égard que « le cabinet n’a pas vocation à gérer lui-même les services administratifs de la collectivité locale » (JO Sénat du 18 mars 2021)

Récemment, le juge pénal, en l’occurrence à l’occasion d’un jugement du Tribunal judiciaire de Paris du 29 mars 2023, à l’origine de cette question sénatoriale, a toutefois durcis cette question, à la fois en faisant peser sur cette question, qui était jusqu’alors une pure question de gestion des ressources humaines, un risque pénal, tout en se bornant à une analyse en définitive sommaire, car très formelle, de la définition de collaborateur de cabinet d’une autorité territoriale, en s’attachant au seul critère du rattachement hiérarchique à l’autorité politique : « des emplois administratifs doivent être regardés comme détournés de cette finalité lorsque, hors des cas prévus par la loi, le recrutement, les missions et l’évaluation des agents les occupant, soustraits à la hiérarchique administrative, relèvent exclusivement de l’autorité politique, de ses collaborateurs de cabinet ou des élus départementaux disposant d’une délégation de fonctions de cette autorité ».

Cette réponse ministérielle de janvier 2024 nuance la question en considérant qu’« en l’état du droit, rien n’interdit néanmoins par principe la mise en place d’une autorité fonctionnelle du directeur de cabinet sur les services de la collectivité qui concourent, malgré leur caractère de services administratifs, à l’exercice des missions de l’élu. Il en va ainsi des services de communication, en tant qu’ils peuvent concourir à la fois à la communication institutionnelle de la collectivité ainsi qu’à celle, de nature plus politique, propre à l’action de l’autorité territoriale, ou encore sur le secrétariat de l’autorité territoriale ou les services du protocole, en tant qu’ils concourent à satisfaire la double nature, administrative et politique, des missions d’une autorité territoriale ». On comprend que le ministère veut poser une distinction entre autorité hiérarchique du cabinet et de l’élu sur les agents de l’administration générale administratifs, qui est désormais clairement prohibée par l’interprétation du juge pénal, et l’autorité fonctionnelle, qui serait envisageable.

On peine toutefois à donner une réelle portée à cette interprétation. D’une part, le jugement du Tribunal judiciaire du 29 mars 2023 ne fait aucune mention d’une telle distinction. D’autre part, le Ministre n’écarte toutefois pas la sanction du juge financier ou du juge pénal sur la répartition des rôles entre le cabinet et la direction générale des services. Enfin, plus généralement, la notion d’autorité fonctionnelle n’a jamais été réellement définie et ses contours restent donc très flous.

À notre sens, il convient donc de lire avec la plus grande prudence cette réponse ministérielle qui minimise la portée du jugement du Tribunal judiciaire de Paris. Le juge pénal avait en effet clairement considéré que lorsque les missions d’un agent occupant un emploi administratif relevaient exclusivement de l’autorité politique ou du Cabinet, cet emploi devait être regardé comme détourné de sa finalité. Dès lors, l’exercice d’une autorité bien qu’uniquement fonctionnelle et non hiérarchique du directeur de cabinet sur des agents occupant un emploi administratif ne sera pas exempt de tout risque pour la collectivité.