Santé, action sanitaire et sociale
le 15/12/2022
Doriane PILARDDoriane PILARD

La prise en charge financière de l’accompagnant d’élève en situation de handicap (AESH) sur le temps de restauration scolaire

CAA Nantes, 15 février 2022, n° 20NT03661

Récemment, un jeune écolier lyonnais scolarisé au sein d’une unité localisée pour l’inclusion scolaire (ULIS) s’est vu exclure de la cantine à la suite d’une crise liée à ses troubles autistiques. Il a ainsi été privé de restauration scolaire pendant plusieurs jours pour la troisième fois en un an et contraint de déjeuner devant l’école[1]. Selon l’établissement scolaire, cette exclusion faisait suite au manque de personnel qualifié sur ce temps périscolaire pour accompagner cet élève en situation de handicap.

Si une solution a finalement été trouvée par la ville de Lyon grâce au recrutement d’un AESH permettant au jeune garçon de regagner la cantine, cette affaire ravive la problématique liée à la prise en charge financière de cette aide humaine sur le temps périscolaire : revient-elle à l’Etat ou à la collectivité territoriale qui organise le temps périscolaire ?

Pour rappel, selon l’article L. 131-13 du Code de l’éducation « l’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille ». Ainsi, une collectivité territoriale ne peut légalement refuser l’accès à un élève, hormis le cas où la capacité maximale d’accueil de ce service serait atteinte. En dehors de ce cas, une discrimination fondée sur le handicap serait constituée.

Bien que le Conseil d’Etat ait précisé en avril 2011[2] que la prise en charge financière par l’État des « AESH en milieu ordinaire n’est pas limitée aux interventions pendant le temps scolaire », la question de son financement dans le cadre périscolaire est à l’origine de certaines crispations entre les acteurs communaux, départementaux, régionaux et l’Etat, menant parfois à la non-exécution des décisions rendues par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) concernant l’accompagnement humain dans ce cadre[3].

Compte tenu de plusieurs contentieux relatifs au financement de cette aide humaine sur le temps périscolaire[4], la section du contentieux du Conseil d’Etat a été amenée à se prononcer sur le sujet par un arrêt en date du 20 novembre 2020[5]. Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a, tout d’abord, rappelé que ces accompagnants peuvent intervenir en dehors du temps scolaire tel que le prévoit la législation en vigueur. À cette fin, il a précisé que ces accompagnants peuvent être mis à la disposition de la collectivité territoriale sur le fondement d’une convention conclue entre la collectivité intéressée et l’employeur, ajoutant qu’il revient à la collectivité territoriale d’assurer cette prise en charge financière. Ensuite, la haute juridiction a indiqué que ces accompagnants peuvent également directement être employés par la collectivité territoriale pour les heures accomplies sur le temps périscolaire. Enfin, à titre d’ultime hypothèse, le Conseil d’Etat a indiqué que désormais ces accompagnants peuvent être recrutés conjointement par l’État et par la collectivité territoriale.

C’est ainsi que de manière subtile, la Haute juridiction administrative a, par ce revirement de jurisprudence, invité les deux acteurs à s’entendre sur cette question et a écarté toute obligation de prise en charge unilatérale par l’Etat.

Dans un arrêt ultérieur[6], le Conseil d’Etat est venu étendre et clarifier la portée de la décision rendue en novembre 2020, en précisant que cette dernière visait également la restauration scolaire. Ces deux arrêts confirment donc la volonté que soient partagées les responsabilités s’agissant du financement de l’accompagnement humain entre les collectivités territoriales et l’Etat.

Récemment, la Cour administrative d’appel de Nantes, dans un arrêt de février 2022[7], a confirmé la nécessaire cohésion des acteurs : « lorsque l’Etat, […], recrute une personne pour accompagner un enfant en situation de handicap durant le temps scolaire et qu’en outre, cet enfant participe au service de restauration scolaire ou à tout ou partie des activités complémentaires ou périscolaires organisées dans l’établissement scolaire, il appartient à l’Etat de déterminer avec la collectivité́ territoriale qui organise ce service et ces activités si et, le cas échéant, comment cette même personne peut intervenir auprès de l’enfant durant ce service et ces activités, de façon à assurer, dans l’intérêt de l’enfant, la continuité́ de l’aide qui lui est apportée ».

Si la question du financement sur les temps périscolaires a été clarifiée par ces décisions successives, la mise en œuvre demeure encore relativement complexe.

 

[1] « La mobilisation a payé, nous sommes soulagés », le jeune Olivier, 10 ans, atteint d’autisme, réintègre la cantine de son école, France 3 Auvergne Rhône-Alpes, 5 décembre 2022

[2] Conseil d’Etat, 20 avril 2011, ministre de l’Éducation nationale, n° 345434 et n° 345442

[3] Selon la circulaire n° 2017-084 du 3 mai 2017, « lors des activités périscolaires et des temps de restauration, l’accompagnement spécifique de l’enfant en situation de handicap n’est pas systématique. La CDAPH notifie le besoin d’accompagnement au regard de la situation personnelle de l’enfant en situation de handicap […] ».

[4] Voir notamment un arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes, 15 mai 2018, n° 16NT02951

[5] Conseil d’Etat, 20 novembre 2020, Ministre de l’Education nationale, n° 422248

[6] Conseil d’Etat, 4ème chambre, 30 décembre 2020, n° 423549.

[7] CAA Nantes, 1ère chambre, 15 février 2022, n° 20NT03661.