Mobilité et transports
le 08/02/2024

La libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l’avenir

Assemble Nationale, 13 décembre 2023, rapport fait au nom de la commission d’enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l’avenir

L’Assemblée nationale a publié, le 13 décembre 2023, le rapport d’une commission d’enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l’avenir. Le rapport opère le constat d’une inversion de la place du fret ferroviaire dans l’activité de la SNCF et d’une accélération de ce phénomène. En 1938, première année d’existence de la SNCF, la part du transport de marchandises était légèrement majoritaire avec 26 milliards de tonnes-kilomètres de fret et 22 milliards de voyageurs-kilomètres. La prépondérance du fret ferroviaire a été notable durant les trente glorieuses avant de connaître un progressif décroît à compter des années 2000 qui ne cesse depuis lors de s’accentuer au profit du transport routier de marchandise.

Le rapport impute trois grandes causes à ce déclin progressif du fret ferroviaire :

  • En premier lieu, la désindustrialisation de la France. La part de la valeur ajoutée industrielle dans le produit intérieur brut (PIB) a été divisée par deux en cinquante ans et cette désindustrialisation diminue le volume de marchandises à transporter sur de longues distances au sein du territoire national ;
  • En second lieu, la nouvelle logique du zéro stock limite le fret ferroviaire. Le travail en flux tendu qui repose sur une étroite synchronisation entre la production et la demande réelle aboutit à privilégier le transport routier dès lors que le fret ferroviaire se révèle moins adapté à une telle logistique ;
  • En troisième lieu, le rapport estime que la libéralisation du fret a eu un effet délétère sur ce dernier notamment en raison d’une insuffisante préparation. La dérégulation du marché n’a pas été accompagnée par les politiques publiques qui auraient été nécessaires, permettant aux nouveaux entrants de se concentrer sur l’activité qui était la plus accessible et probablement la plus rentable, c’est-à-dire les trains complets, laissant les wagons isolés[1], qui représentaient une part importante du fret ferroviaire, à Fret SNCF. Or, l’opérateur historique s’est lui-même orienté vers une logique de rentabilité qui l’a conduit à délaisser les wagons isolés, ce qui a accentué davantage le déclin du fret ferroviaire.

La commission d’enquête a proposé une série de recommandations pour répondre à ces problématiques et revaloriser l’activité de fret ferroviaire. En substance, elle propose d’instituer un dialogue entre les pouvoirs publics et les entreprises pour opérer une revue des embranchements de fret ferroviaire et opérer une réorganisation stratégique des dessertes ferroviaires permettant de répondre au besoin des entreprises.

La commission propose également de « rétablir des conditions de concurrence entre le ferroviaire et le routier ». Elle estime effectivement que le transport routier échappe en partie aux péages et aux taxes, tout en générant « gratuitement » des externalités négatives très coûteuses pour la société. Plusieurs propositions visent donc à remédier à cette sorte de « concurrence déloyale » notamment en instaurant une écotaxe sur les poids lourds de l’ordre de 3 centimes d’euro par tonne et par kilomètre mais également à interdire la circulation des poids lourds de 44 tonnes, sauf transport combiné et véhicules zéro émission et le transport de nuit sauf pour le transport combiné.

 

[1] L’activité repose sur la constitution de trains à partir de l’assemblage de wagons individuels isolés provenant de différents clients. Ces wagons ont des origines et des activités différentes ce qui implique des activités de tri et d’assemblage supplémentaires. Le coût est donc significativement plus élevé que les trains complets qui n’implique que l’acheminement des wagons entre les plateformes de départ et d’arrivée.