Environnement, eau et déchet
le 06/04/2022

La gestion de l’eau et de l’assainissement après la loi 3DS

Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale

La loi n° 2022-217 en date du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, a été publiée le 22 février 2022.

Elle comporte un certain nombre de dispositions qui ont trait à la transition énergétique ou à l’environnement et la biodiversité dans leur ensemble, tandis que d’autres portent plus spécifiquement sur l’organisation des collectivités dans la gestion de l’eau (petit et grand cycle) et de l’assainissement. Nous examinerons ici les dispositions de la loi qui portent sur l’organisation territoriale de l’exercice de ces compétences (1), celles qui renforcent les prérogatives des collectivités compétentes dans le domaine de l’eau plus particulièrement (2). Nous exposerons enfin les nouveaux outils financiers dont disposent les collectivités pour exercer leur compétence en ces matières (3).

I) Les évolutions en matière d’organisation territoriale des compétences eau (petit et grand cycle) et assainissement

1/ La possibilité pour un syndicat mixte de détenir les qualités à la fois d’EPTB et d’EPAGE

En premier lieu, la loi 3DS fait quelque peu évoluer l’organisation de l’exercice de la compétence GeMAPI en permettant à un syndicat mixte d’avoir la double qualité d’EPAGE et d’EPTB.

L’article L. 213-12 du Code de l’environnement est modifié en ce sens, et permet à un syndicat mixte d’être à la fois EPAGE et EPTB, dès lors qu’il remplit les conditions fixées par ce même article pour chaque type d’établissement.

Ainsi, là où, auparavant, un syndicat mixte pouvait être transformé en EPTB, d’une part, et en EPAGE, d’autre part, formant ainsi deux structures distinctes, une même structure peut désormais détenir ces deux qualités. Cette double qualité peut s’acquérir par transformation mais également par simple modification statutaire. La procédure jusqu’alors valable pour la transformation, décrite à l’article L. 213-12 du Code de l’environnement, intègre dorénavant l’hypothèse de la modification statutaire. Le texte précise également qu’en cas de modification statutaire, le syndicat mixte conserve l’ensemble de ses biens et obligations et continue à exercer les compétences dont il est chargé à la date de la modification de ses statuts.

 

2/ Le transfert partiel des compétences en matière de gestion des eaux pluviales et de défense extérieure contre l’incendie par un EPCI-FP à un syndicat

En deuxième lieu, les compétences « gestion des eaux pluviales urbaines » et « défense extérieure contre l’incendie » peuvent désormais, elles aussi, au même titre que l’eau, la GeMAPI, l’assainissement, la collecte et le traitement des déchets et la distribution d’électricité et de gaz, faire l’objet d’un transfert partiel, par un EPCI-FP ou par un EPT, à un syndicat mixte.

Ainsi, ces compétences pourront être transférées soit pour la totalité du périmètre de l’EPCI ou de l’EPT, soit pour une partie seulement de son territoire. Le transfert peut alors s’opérer au profit de plusieurs syndicats situés chacun sur des parties distinctes de son territoire (l’article L. 5211-61 du Code général des collectivités territoriales est en ce sens modifié).

3/ Anticipation des transferts obligatoires en matière d’eau et d’assainissement aux communautés de communes

En troisième lieu, alors que la loi ne revient pas sur l’échéance au 1er janvier 2026 pour le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux communautés de communes, l’article 30 tente tout de même d’anticiper, en amont de cette date, l’organisation de ces transferts. Il propose ainsi que dans l’année qui précède ce transfert obligatoire, les communes et leur communauté de communes organisent un débat sur la tarification des services publics d’eau et d’assainissement des eaux usées et sur les investissements liés aux compétences transférées à l’EPCI (ce débat pouvant d’ailleurs être renouvelé annuellement).

À l’issue de ce débat, une convention peut être conclue. Cette convention précise alors les conditions tarifaires des services publics en cause, en tenant compte notamment du mode de gestion du service, des caractéristiques des réseaux ainsi que des coûts de production, de traitement et de distribution. Elle détermine par ailleurs les orientations et les objectifs de la politique d’investissement sur les infrastructures ainsi que les modalités des délégations de compétences aux communes qui en feraient la demande dans les conditions prévues au I de l’article L. 5214‑16 du CGCT.

4/ La pérennisation du maintien des syndicats d’eau, d’assainissement ou de gestion des eaux pluviales urbaines inclus en totalité dans le périmètre d’une communauté de communes

En quatrième lieu, à la suite des discussions en commission mixte paritaire, la loi 3DS pérennise la possibilité pour les syndicats compétents en matière d’eau, d’assainissement et de gestion des eaux pluviales urbaines d’être maintenus, lorsqu’ils sont inclus en totalité dans le périmètre d’une communauté de communes (le texte n’évoque que les communautés de communes en dérogeant toutefois également expressément à l’article L. 5216-6 du CGCT, applicable aux communautés d’agglomération, ce qui peut créer une incertitude quant aux EPCI concernés), malgré le transfert, à cette communauté de communes, des compétences qu’ils exercent. Ce maintien des syndicats existait déjà mais il est désormais pérennisé après le transfert obligatoire de ces compétences aux communautés de communes au 1er janvier 2026. La communauté de communes pourra néanmoins délibérer contre ce maintien.

 

II) Le renforcement des prérogatives des collectivités compétentes dans le domaine de l’eau

1/ L’élargissement du droit de préemption des terres agricoles aux syndicats mixtes compétents en eau potable

La loi 3DS prévoit l’élargissement du droit de préemption des terres agricoles sur les aires d’alimentation des captages d’eau potable aux syndicats mixtes. Les articles L. 218-1 et L. 218-3 du Code de l’urbanisme évoquaient jusqu’alors les seuls « groupements de communes ». Cet ajout permet, sans ambiguïté désormais, aux syndicats composés d’autres collectivités que les communes, de se prévaloir de ce droit de préemption.

Cet élargissement du droit de préemption va d’ailleurs plus loin, l’article L. 218-3 du Code de l’urbanisme étant enrichi par la loi 3DS de la possibilité pour le titulaire du droit de préemption (à savoir donc la commune, le groupement de communes ou le syndicat mixte) de déléguer ce droit à un établissement public local mentionné à l’article L. 2221-10 du Code général des collectivités territoriales (à savoir les régies dotées de la personnalité morale et de l’autonomie financière), « lorsque tout ou partie du prélèvement en eau utilisée pour l’alimentation en eau potable » est confié à cet établissement.

La loi 3DS intervient également afin d’imposer l’intégration de clauses environnementales lors de la conclusion de nouveaux baux des biens acquis dans le cadre de la préemption précitée, visant à garantir la préservation de la ressource en eau (prévues à l’article L. 411-27 du Code rural et de la pêche maritime). Les biens acquis peuvent également être cédés de gré à gré, à des personnes publiques ou privées. Un tel contrat doit également contenir des obligations réelles environnementales, auxquelles l’acquéreur doit consentir. Enfin, il est conclu pour une durée maximale de quatre-vingt-dix-neuf ans, entre l’acquéreur et le titulaire ou le délégataire du droit de préemption (modification de l’article L. 218-13 du Code de l’urbanisme).

2/ Le renforcement des prérogatives des autorités locales compétentes pour le contrôle du raccordement des immeubles au réseau public de collecte des eaux pluviales urbaines

L’article L. 2226-1 du CGCT modifié par la loi 3DS renforce quant à lui les prérogatives incombant aux collectivités et groupements en charge du service de la gestion des eaux pluviales urbaines. Il leur confie en effet dorénavant le contrôle du raccordement des immeubles au réseau public de collecte des eaux pluviales urbaines. Ce contrôle s’effectue à la fois au regard des prescriptions techniques fixées par la collectivité compétente pour réaliser les raccordements des immeubles aux réseau public de collecte des eaux usées et des eaux pluviales (article L. 1331-1 du Code de la santé publique) mais également de celles issues du plan de zonage prévu à l’article L. 2224-10 du CGCT ou même de tout autre règlement pris en la matière.

 

III) La mise en place de nouveaux outils financiers pour les compétences d’eau et d’assainissement

La loi 3DS a mis en place plusieurs nouveaux outils financiers pour les compétences en matière d’eau et d’assainissement et expérimente un nouvel outil pour la GeMAPI.

1/ L’expérimentation d’un financement des missions de défense contre les inondations et contre la mer d’un EPTB par des contributions fiscalisées

La loi 3DS prévoit la mise en place d’une expérimentation, pour une durée de cinq ans, visant à permettre le financement des missions de défense contre les inondations et contre la mer par un établissement public territorial de bassin (EPTB) par des contributions fiscalisées. Autrement dit, il est prévu, dans le cadre de cette expérimentation, que les EPTB exerçant en tout ou partie la compétence de défense contre les inondations et contre la mer peuvent remplacer  tout ou partie de la contribution budgétaire de ses EPCI-FP membres par un produit de contributions fiscalisées composées notamment de la taxe d’habitation, des taxes foncières, de la cotisation foncière des entreprises en vue de financer la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations. Les contributions fiscalisées sont instituées par une délibération de l’EPTB et leur produit devra être arrêté chaque année par son organe délibérant. Le produit voté de la taxe est au plus égal au montant annuel prévisionnel des charges de fonctionnement et d’investissement résultant de l’exercice de tout ou partie de la mission de défense contre les inondations et contre la mer (5° de l’article L. 211-7 du Code de l’environnement). Si cette taxe se rapproche de la taxe GeMAPI prévue à l’article L. 1530 bis du Code général des impôts, cette dernière n’est pas expressément citée. Et pour cause, les règles d’instauration diffèrent sur certains points, et notamment sur le fait que la contribution fiscalisée levée par les EPTB n’est pas plafonnée (tandis que la taxe GeMAPI ne peut dépasser 40 euros par habitant et par an).

L’organe délibérant de l’EPCI-FP peut s’opposer au recouvrement de cette contribution dans un délai de quarante jours à compter du moment où la délibération instituant les contributions a été transmise pour consultation aux communes et aux EPCI-FP membres de l’EPTB. Passé ce délai, la mise en recouvrement de la contribution fiscalisée ne peut être contestée.

Pour être complet, on relèvera que cette expérimentation peut être réalisée au profit d’un EPTB qui exerce par délégation, tout ou partie de la mission de défense contre les inondations et contre la mer, et dans les conditions prévues à l’article L. 5211-61 du CGCT.

2/ De nouvelles dérogations au principe d’interdiction du financement des services publics industriels et commerciaux (SPIC) par les EPCI spécifiques en matière d’eau et d’assainissement

Enfin, la loi 3DS rajoute des dérogations au principe d’interdiction du financement des SPIC par les budgets propres des collectivités, concernant les services de distribution d’eau potable et d’assainissement prévu à l’article L. 2224-2 du CGCT. Les EPCI compétents dans ce domaine pourront dorénavant, en plus des exceptions déjà formulées, financer ces SPIC sur leur budget principal :

  • lorsque ces services ne peuvent être financés autrement sans augmenter de manière excessive les tarifs pour les usagers.
  • durant la période d’harmonisation des tarifications de l’eau et de l’assainissement après la prise de compétence par l’EPCI-FP.

 

Clémence Du Rostu, 
Avocate Directrice