Droit des sociétés
le 24/03/2022

La démonstration d’un préjudice personnel au créancier n’est pas exigée avant la procédure collective

Cass. Com., 12 janvier 2022, n° 21-10.497 F-D

Par un arrêt inédit en date du 12 janvier 2022, la Cour de cassation a rappelé que l’exigence d’un préjudice personnel au créancier ne vaut pas avant la procédure collective.

En l’espèce, un gérant de SARL a été assigné le 29 mai 2018 en responsabilité par des créanciers au titre d’une faute détachable, c’est-à-dire une faute intentionnelle d’une particulière gravité, de ses fonctions de dirigeant.

Quelques mois plus tard la SARL est mise en redressement puis en liquidation et les créanciers déclarent leur créance à la procédure.

La Cour d’appel de Poitiers dans un arrêt en date du 5 janvier 2021 a déclaré l’action en responsabilité personnelle irrecevable car elle a estimé que les intimés ne se prévalaient pas, en leur qualité de créancier, d’un préjudice différent du paiement de leur créance qui avait par ailleurs été fixée au passif de la procédure collective. 

Les juges du fond ont par conséquent considéré que les créanciers n’avaient pas établi un préjudice personnel et distinct de celui de la collectivité des créanciers.

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La Cour de cassation a censuré la décision de la cour d’appel de Poitiers au visa des articles 31 et 32 du Code de procédure civile et L. 622-20 du Code de commerce.

En effet, la Cour de cassation a rappelé que l ’ « intérêt au succès ou au rejet d’une prétention s’apprécie au jour de l’introduction de la demande en justice ». Que dès lors, la recevabilité de la demande en responsabilité personnelle du dirigeant, qui a été introduite avant l’ouverture de la procédure collective, n’est pas soumise à la justification par le demandeur d’un préjudice personnel et distinct de celui des autres créanciers.

La Cour de cassation a ainsi censuré l’analyse de la Cour d’appel de Poitiers qui avait appliqué le principe du monopole du représentant des créanciers de l’article L. 622-20 du Code de commerce selon lequel le mandataire judiciaire désigné par le tribunal a seul qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers et qu’il fallait dès lors démontrer un préjudice personnel distinct de celui de la collectivité des créanciers.

Cet arrêt inédit permet ainsi de rappeler que les règles de la procédure collective ne s’appliquent pas en dehors de la procédure collective et qu’en conséquence les créanciers agissant contre un dirigeant de société pouvaient agir en responsabilité civile en prouvant une faute détachable et non pas en ayant à établir que leur préjudice était distinct de celui des autres créanciers quand l’action a été introduite avant le jugement d’ouverture de la procédure collective.