Fonction publique
le 12/03/2025

La Défenseure des droits précise la méthodologie de l’enquête administrative

Défenseur des droits, Décision cadre, Recueil et traitement des signalements de discrimination et de harcèlement sexuel dans l'emploi, le Défenseur des droits publie ses recommandations, 6 février 2025

Le 5 février 2025 a été publiée par la Défenseure des droits une décision cadre portant sur la discrimination et le harcèlement sexuel, notamment dans l’emploi public, laquelle précise ce qui est attendu d’une enquête interne menée par l’employeur public.

Après avoir rappelé qu’aucune disposition légale ne régit ces enquêtes et qu’elles peuvent être librement conduites, notamment par l’administration, la Défenseure des droits a détaillé les conditions devant être réunies pour garantir la protection des victimes et des témoins ainsi que la rigueur dans l’établissement des faits.

À cette fin, elle a formulé plusieurs recommandations, parmi lesquelles :

  • L’élaboration d’une méthodologie d’enquête interne, formalisée dans une décision après consultation des représentants du personnel ;
  • L’information des parties concernées (victime présumée et personne mise en cause) de l’ouverture de l’enquête, sauf en cas de risque de pression sur les témoins et/ou la victime présumée ;
  • Le respect strict de la confidentialité tout au long de la procédure ;
  • L’impartialité absolue de l’enquêteur, qui doit être extérieur au service où les faits se sont déroulés et si la direction ou un agent du service habituellement chargé des enquêtes est mis en cause, il est impératif d’externaliser l’enquête[1] ;
  • L’audition systématique de la victime présumée, de la personne mise en cause et des témoins pertinents, y compris les témoins indirects ainsi que les responsables hiérarchiques directs des parties concernées, la personne mise en cause doit être entendue en dernier et si elle désigne d’autres témoins, ceux-ci doivent être auditionnés sous réserve de leur pertinence, appréciée par les enquêteurs[2] ;
  • L’assistance d’un défenseur de son choix pour l’agent concerné si l’enquête est menée par un avocat [3] ;
  • L’anonymisation des témoignages, sur demande de la personne auditionnée, tout en conservant une version non anonymisée pour d’éventuelles procédures contentieuses[4] ;
  • La retranscription exhaustive des auditions, sous forme d’un compte rendu écrit, soumis à relecture et signature[5] ;
  • La rédaction du rapport d’enquête de façon exhaustive et détaillée à la fois sur les faits mais également sur la procédure suivie, le rapport doit également proposer une qualification juridique des faits constatés ;
  • La communication du rapport d’enquête à la hiérarchique, synthèse doit être communiquée à la victime présumée.

Cette décision-cadre s’inscrit dans la continuité des principes dégagés, au fil du temps, par le juge administratif, elle formalise des exigences jusqu’alors éparses car issues de décisions successives.

___

[1] CAA Paris, 18 octobre 2006, Monsieur X., n° 02PA02028 : Il appartient à l’administration de désigner la personne qui diligentera l’enquête.

[2] CAA Douai, 29 novembre 2012, n°11DA01841 : L’enquêteur a l’obligation d’entendre tous les témoins demandés par l’agent, sous peine d’entacher l’enquête de partialité. On notera qu’il est obligatoire pour les agents de se rendre à a convocation qui leur est faite sous peine de poursuites disciplinaires (CAA Nantes, 28 juin 2010, n° 09NT00340).

[3] Cette recommandation est en contradiction avec l’analyse du juge administratif qui considère que l’agent n’a pas de droit d’être accompagné du défenseur de son choix avant la mise en œuvre d’une éventuelle procédure disciplinaire : CAA de Douai, 22 septembre 2011, n° 10DA01066.

[4] Le CE a admis cette possibilité en cas de « risque avéré de préjudice » pour la personne auditionnée (CE, 28 avril 2023, n° 443749 ; CE, Sect., 22 décembre 2023, n° 462455)

[5] Sur la signature des procès-verbaux : CE, 14 mai 1986, n° 71856, aux tables.