Droit pénal et de la presse
le 14/09/2023

La condamnation d’une société pour le suicide de son salarié

Cass. Crim., 31 janvier 2023, n° 22-80.482

Par arrêt en date du 31 janvier 2023, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a validé le raisonnement d’une Cour d’appel ayant retenu un lien de causalité entre le suicide d’un salarié et le comportement de son employeur, et condamné ce dernier du chef d’homicide involontaire.

Plus précisément, à la suite d’une collision en mer de deux navires, le 23 décembre 2020, le capitaine de l’un des deux se voyait notifier son affectation à un poste à terre, lors de son débarquement ; cette décision faisait suite à une enquête interne qui n’avait pas conclu à une faute suffisante pour le licencier.

Quelques semaines plus tard, celui-ci se suicidait à son domicile, en laissant un message à ses collègues, expliquant que son geste trouvait son origine dans la décision de son employeur.

Les juges du fond avaient retenu que cette affectation à terre constituait « une sanction déguisée, qui ne pouvait être reçue que comme telle, témoignant du mépris de la compagnie à son égard. » et estimait que ce comportement fautif de l’employeur a été le « facteur déclenchant de son passage à l’acte suicidaire ».

Au soutien de son pourvoi en cassation, la société maritime relevait l’absence de « continuité temporelle » entre la faute retenue à son encontre – savoir la décision de réaffectation professionnelle – et le suicide de son salarié, pour contester le caractère certain du lien de causalité – condition pour retenir l’infraction d’homicide involontaire.

La chambre criminelle a toutefois rejeté le pourvoi, confirmant ainsi l’existence d’une faute d’imprudence de l’employeur, en lien indirect mais certain avec le décès de son salarié.

L’application de la qualification d’homicide involontaire au cas du suicide pourrait a priori surprendre, ces deux notions s’opposant par leur intentionnalité respective – le suicide étant un acte intentionnel par essence.

Par cette jurisprudence, la Chambre criminelle confirme que, pour retenir le délit d’homicide involontaire, la certitude du lien de causalité n’exige pas une immédiateté entre le comportement fautif reproché et le résultat dommageable.