Urbanisme, aménagement et foncier
le 11/12/2025

Interruption du délai de préemption : le Conseil d’État siffle la fin du match

CE, 7 novembre 2025, n° 500233

La computation des délais accordé à l’autorité administrative pour préempter est une question cruciale sur laquelle l’autorité ne peut commettre une erreur au risque de se voir considérée comme ayant renoncé définitivement à son droit sans pouvoir revenir sur cette décision.

Les juridictions administratives continuent donc de s’attarder sur la méthode de computation du délai à la suite de la réception d’une déclaration d’intention d’aliéner (DIA), et ce notamment pour tirer les conclusions des évolutions textuelles.

Tel est le cas de l’arrêt rendu le 7 novembre dernier rendu à la suite de l’entrée de vigueur de la loi ALUR du 24 avril 2014 ayant modifié le régime de l’instruction des DIA.

Par cette loi, le législateur a introduit l’article L. 213-2 dans le Code de l’urbanisme donnant la possibilité à l’autorité administrative de solliciter, par une demande unique, la communication de documents permettant notamment d’apprécier la consistance et l’état de l’immeuble, objet de la DIA.

Le délai de préemption se trouve donc suspendu à compter de la réception de cette demande et reprend une fois les documents reçus par l’administration, étant précisé que si le délai restant est inférieur à un mois, l’autorité administrative dispose d’un mois complet pour statuer sur l’exercice de son droit de préemption.

Mais quid de l’articulation de cette procédure avec l’interruption du délai de préemption consécutive à l’existence d’une erreur substantielle au sein de la DIA ?

En effet, par son arrêt de principe Finadev du 24 juillet 2009 (n° 316158, mentionné aux Tables), le Conseil d’Etat avait jugé que le délai de préemption de deux mois ne courrait qu’à compter de la déclaration complétée ou modifiée permettant de corriger l’erreur substantielle sur la consistance du bien, son prix ou les conditions d’aliénation.

Il s’agissait donc bien d’une interruption de délai, le juge considérant que l’autorité préemptrice ne pouvait envisager d’exercer son droit si son information tirée de la DIA était entachée d’une erreur substantielle (revenant à déposer une DIA sur une autre cession que celle réellement réalisée).

L’arrêt du 7 novembre 2025 clarifie les méthodes de computation des délais en fonction de l’existence ou non d’une erreur substantielle inscrite au sein de la DIA :

  • Soit la DIA n’est pas entachée d’une erreur substantielle et la demande de communication de documents vise à compléter l’information de l’autorité préemptrice : dans ce cadre, le délai est (uniquement) suspendu en application des dispositions de l’article L. 213-2 du Code de l’urbanisme ;
  • Soit la DIA est entachée d’une erreur substantielle et la demande de l’autorité préemptrice vise à ce que le pétitionnaire corrige cette erreur : le délai pour préempter est interrompu jusqu’à la réception de la DIA corrigée (position inchangée depuis la jurisprudence Finadev de 2009).

En l’espèce, la question portait sur l’existence de cette erreur substantielle, la commune ayant considéré que le bien objet de la DIA, annoncé comme « terrain nu » alors qu’il supportait des constructions, bien qu’endommagées, lui permettait de se prévaloir d’une demande de dépôt d’une nouvelle DIA corrigée et donc d’une interruption de délai.

Le Conseil d’Etat censure cette position (qui avait été celle du juge des référés) en jugeant que la DIA mentionnait bien les constructions (ancien restaurant) ainsi que leur caractère inexploitable si bien que le vendeur s’engageait à les démolir et à livrer un terrain nu, tel qu’indiqué au sein de la promesse de vente annexée à la DIA dont l’autorité avait pleinement connaissance.

Aucune erreur substantielle ne pouvait être retenue et la préemption exercée plus de deux mois après la réception de la première DIA (exempte d’erreur substantielle) était donc tardive. La commune devait donc être réputée avoir définitivement renoncée à exercer son droit de préemption, sans qu’il ne soit possible de revenir sur une telle décision.

Une vigilance accrue des autorités préemptrices sera nécessaire dans l’examen de la régularité de la DIA au risque de préempter hors-délai et d’être réputé avoir renoncé à l’exercice de ce droit.