Par un arrêt daté du 24 mars 2025, le Conseil d’Etat retient une solution favorable aux candidats à un marché public, en reconnaissant la prolongation du délai de remise des offres en cas de modification importante des documents de consultation ayant des effets sur les échantillons à remettre dans le cadre de l’offre.
Dans cette affaire, le Préfet de police de Paris a lancé une procédure d’appel d’offres pour la conclusion d’un marché public, divisé en 17 lots, portant sur la fourniture d’effets d’accessoires d’habillement, d’articles de passementerie, de décorations et de drapeaux pour la brigade de sapeurs-pompiers de Paris. Une société a présenté une offre pour le lot portant sur la « fourniture de tenues de service et d’intervention » mais, par une décision en date du 10 octobre 2024, le préfet de police a rejeté comme irrégulière l’offre de cette société.
La société, candidat évincé, a saisi la Juge du référé précontractuel du Tribunal administratif de Paris, afin notamment d’annuler la décision de rejet et l’offre et la procédure de passation relative au lot n° 15. Par une ordonnance du 12 novembre 2024, la juge des référés prononce l’annulation de la décision de rejet de l’offre de la société et de la procédure de passation au stade de remise des offres, et enjoint au Préfet de police de Paris, en cas de poursuite de la procédure de passation, de reprendre la procédure au stade de la remise des offres en laissant aux candidats un délai suffisant pour s’adapter à la modification des documents de consultation.
Saisi par le préfet de police, le Conseil d’Etat a, dans son arrêt du 24 mars 2025, été amené à connaître de plusieurs moyens dont certains méritent attention.
D’une part, faisant application de l’article R. 2152-4 du Code de la commande publique, lequel impose que le délai de réception des offres soit prolongé notamment lorsque des modifications importantes sont apportées aux documents de la consultation (la durée de la prolongation devant alors être proportionnée à l’importance des modifications apportées), le Conseil d’Etat a considéré que le juge du référé avait légitimement pu considérer qu’en ne reportant pas le délai de remise des offres après une modification importante portant sur le CCTP et le RC, le préfet de police n’avait pas laissé aux soumissionnaires un délai suffisant pour leur permettre d’adapter ou de reprendre leurs échantillons de pantalons (modification le 3 avril pour une remise des offres fixée eu 23 avril). Compte tenu, en effet, de la nature et de la portée de ces modifications, qui portaient sur les poches des tenues des pantalons d’intervention et qui impliquaient pour les candidats de reprendre et de contrôler les échantillons dans des délais trop courts, ces modifications étaient donc importantes et devaient nécessairement conduire à un report du délai de remise des offres.
D’autre part, le Conseil d’Etat était saisi d’un moyen reprochant au juge du référé de ne pas avoir recherché si le manquement invoqué avait été susceptible de léser davantage le requérant que les autres candidats (d’après une logique selon laquelle seul le candidat le plus gravement lésé par un manquement serait en droit de s’en prévaloir).
Pour rappel, et comme l’a précisé le Conseil d’Etat dans l’arrêt SMIRGEOMES du 3 octobre 2008 (n° 305420, Publié au Recueil Lebon), seules les entreprises susceptibles d’être directement lésées ou risquant de l’être, même indirectement, peuvent invoquer les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence dans le cadre d’une procédure de passation. Le juge du référé précontractuel, alors saisi, doit vérifier si ces manquements affectent effectivement les chances des candidats d’obtenir le marché public.
En l’espèce, le Conseil d’Etat demeure dans le cadre de cette jurisprudence fondamentale et refuse de prendre en considération le degré relatif de lésion d’un soumissionnaire pour déterminer la recevabilité de son référé précontractuel. Il retient, s’agissant du juge du référé précontractuel, qu’« ne lui appartient pas de rechercher […] si le manquement invoqué a été susceptible de léser davantage le requérant que les autres candidats ».
Ainsi, le Conseil d’Etat rejette l’essentiel pour pourvoi formé par le Préfet de police de Paris contre l’ordonnance du Juge des référés du Tribunal administratif de Paris.