Santé, action sanitaire et sociale
le 15/11/2023

Hospitalisation sous contrainte : avant l’heure c’est pas l’heure, et après l’heure non plus

Cass. Civ., 1ère, 18 octobre 2023, n° 22-17.752

Avant la crise de la Covid-19, la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) dénombrait 12,5 millions de Français soignés pour des troubles mentaux ou psychiatriques. Et chacun s’accorde à reconnaître que l’un des effets les plus directs de la crise sanitaire a été de voir ce chiffre croître de manière exponentielle. Les statistiques de la CNAM ne sont pas, à ce jour, actualisées mais il est plus que probable que ce soit désormais près de 20 millions de Français qui souffrent de pathologies mentales ou psychiatriques, à des degrés divers.

C’est dire si les pouvoirs publics et les autorités sanitaires vont être de plus en plus souvent confrontés aux troubles à l’ordre public que peuvent générer certains malades, pas ou mal pris en charge.

En cette circonstances, ce sont les dispositions de l’article L. 3213-2 alinéa 1er du Code de la santé publique qui trouvent à s’appliquer. Aux termes de cet article, en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, dûment attesté par un avis médical, le maire peut prendre toutes les mesures nécessaires visant à assurer la sécurité de la personne en cause ainsi que, s’il y a lieu, la sécurité publique.

Pèse alors sur le maire l’obligation d’en référer dans les 24 heures au préfet, à charge pour ce dernier, soit de prononcer la mainlevée des mesures prises par le maire, soit de prendre un arrêté d’admission en soins psychiatriques, dans les formes fixées par les dispositions de l’article L. 3213-1 du Code de la santé publique. Faute de décision du préfet dans les 48 heures de sa saisine, les mesures provisoires prises par le maire deviennent caduques de plein droit.

Ces dispositions présentaient une difficulté pratique de mise en œuvre. En effet, l’article L. 3213-2 du Code de la santé publique précise que « les mesures provisoires sont caduques en l’absence d’une décision du Préfet au terme d’une durée de 48 heures ». Doit-on considérer que le préfet dispose d’un délai de 48 heures pour prendre dans l’intervalle sa décision, ou doit-on considérer qu’il doit prendre sa décision au terme (à l’échéance) d’un délai de 48 heures ? Ce même article précisant par ailleurs que le préfet se prononce « sans délai », ce qui renforce la difficulté d’interprétation.

L’ambiguïté était suffisamment forte et prégnante pour que la Cour de cassation soit amenée à trancher cette question, à éclaircir cette interprétation et, partant, à sécuriser ces procédures d’admission en soins psychiatriques, par nature attentatoires aux libertés individuelles.

Dans un arrêt de la première chambre civile, du 18 octobre 2023 (Cass. Civ., 1ère, n° 562, 18 octobre 2023, pourvoi n° 22-17.752), la Cour vient préciser qu’aux termes de l’article L. 3213-2 du Code de la santé publique, le préfet doit prendre une décision avant l’extinction du délai de 48 heures, après lequel les mesures provisoires du maire sont frappées de caducité.

Dans le cas d’espèce, un maire avait transmis au Préfet du Jura un arrêté fixant des mesures provisoires d’hospitalisation relatives à un individu, le 26 mars 2022 à 16h15, l’arrêté municipal étant horodaté. En suite de cette transmission, le Préfet a pris un arrêté le 28 mars 2022, transmis par courriel à l’établissement où la personne a été placée, à 15h51.

Le Premier président de la Cour d’appel de Besançon va rendre une ordonnance aux termes de laquelle il va considérer que le préfet ne dispose pas librement du délai de 48 heures mais qu’il doit, au contraire, et sur le fondement de l’article L. 3213-2 du Code de la santé publique, statuer sans délai.

L’ordonnance rappelait que, s’agissant d’une hospitalisation sous contrainte, le préfet n’ayant pas justifié de la durée nécessaire à sa prise de décision, la mainlevée de son arrêté devait être prononcée.

La Cour de cassation, dans l’arrêt précité, ne retient pas cette interprétation des dispositions du Code de la santé publique et estime que le préfet dispose bien et librement d’un délai maximum de 48 heures pour prendre sa décision, peu important qu’il ne la rende que dans les dernières minutes de ce délai, et peu important aussi qu’il ne justifie pas du temps nécessaire à sa prise de décision.

Cette clarification était devenue nécessaire et vient donc trancher un contentieux d’interprétation qui risquait de devenir préjudiciable à la sécurité juridique de ces mesures d’hospitalisation sous contrainte.