Santé, action sanitaire et sociale
le 20/07/2023

Hôpital : le rappel à l’ordre du juge des comptes

Cour des Comptes, Centre hospitalier Sainte-Marie à Marie-Galante (Guadeloupe)

S’il n’est pas surprenant qu’un comptable public soit amené à exposer sa responsabilité personnelle et pécuniaire devant la Cour des comptes, il n’est pas si courant qu’un ordonnateur soit appelé à comparaître et, moins encore, que ledit ordonnateur soit un directeur d’hôpital.

Or, dans un arrêt de la Chambre du contentieux de la Cour des Comptes du 10 juillet 2023 (C. Cptes, Ch. Contentieux, 10 juillet 2023, n° S-2023-0858, Centre hospitalier Sainte-Marie à Marie Galante), la Cour a condamné conjointement Madame Y, ancienne directrice de l’hôpital Sainte-Marie à Marie Galante (97), à une amende de 7.000 €, Monsieur Z., ancien directeur, à une amende de 2.000 € et Madame A., ancienne attachée d’administration hospitalière, à une amende de 1.000 €.

Pour être peu fréquente, cette décision vient rappeler quelques principes d’évidence qui ne manquent pas de s’appliquer aux ordonnateurs des hôpitaux publics.

A la base, c’est une banale affaire administrative ayant conduit un hôpital à engager sa responsabilité et dont le directeur, le directeur intérimaire et un attaché d’administration hospitalière omettront ou tarderont d’exécuter le jugement entrepris, engageant, ce faisant, leur responsabilité financière devant la Cour des comptes. Monsieur X., ancien directeur de l’hôpital Sainte-Marie, a saisi, le 7 mai 2012, le Tribunal administratif de Fort de France d’une requête tendant à l’annulation de la décision implicite de la directrice de l’établissement refusant de reconnaître l’imputabilité au service de la maladie dont il est atteint.

Par jugement n° 12-00418 en date du 17 juin 2013, la juridiction administrative va considérer que le refus implicite de reconnaissance de l’imputabilité au service de la maladie du demandeur, n’ayant pas été précédé de l’avis de la commission de réforme, doit être annulé. Ledit jugement n’étant pas mis à exécution par l’hôpital Sainte-Marie, Monsieur X. va saisir le Tribunal administratif en vue de la fixation de mesures d’exécution du jugement du 17 juin 2013. Par jugement n° 14-00461 du 21 mars 2016, le Juge administratif va fixer à 30 € par jour de retard l’astreinte imposée à l’hôpital Sainte-Marie pour l’exécution de son jugement de 2013.

En l’absence de réaction de l’administration, Monsieur X. sera contraint d’informer le Tribunal administratif de Martinique, le 17 février 2017, de ce que le jugement du 17 juin 2013 n’a toujours pas reçu de commencement d’exécution.

Un nouveau jugement n° 17-00789 sera rendu le 23 octobre 2018 prononçant la liquidation de l’astreinte et, en conséquence, condamnant l’hôpital Sainte-Marie à la somme de 14.410 € au bénéfice de l’Etat et 14.410 € au bénéfice de Monsieur X. Constatant que cette dernière décision restera sans suite de la part de l’hôpital, Monsieur X. saisira une nouvelle fois le Juge administratif le 7 avril 2021.

Le Tribunal administratif de Martinique rendra, à cet effet, un jugement le 7 juillet 2022 (n° 21-00569), condamnant, cette fois, l’hôpital Sainte-Marie à la somme de 30.420 € au bénéfice de l’Etat et 10.140 € au bénéfice de M. X., en liquidation des astreintes prononcées en 2016, portant à 69.380 € les sommes dues par l’hôpital.

Sur ce point, on rappellera qu’aux termes de l’article L. 131-14 du Code des juridictions financières, tout justiciable de la Cour des comptes (dont les fonctionnaires et agents civils ou militaires de l’Etat, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics ainsi que des groupements des collectivités territoriales, en application de l’article L. 131-1 du Code des juridictions financières) est passible de sanction dès lors qu’il se rend coupable de l’inexécution partielle ou totale ou de l’exécution tardive d’une décision de justice.

Dans cette affaire, et sur ce fondement, Madame Y., qui a dirigé l’établissement hospitalier jusqu’en mars 2021, a été regardée par la Cour des comptes comme ayant failli à la mission qui lui revenait en sa qualité de directrice en ne faisant pas montre « d’un comportement diligent et respectueux des décisions de justice. ». Le Juge des comptes ajoute que son comportement fautif a entraîné la liquidation des astreintes et donc des charges supplémentaires pour l’établissement dont elle était l’ordonnateur des recettes et des dépenses. Elle est donc condamnée à une amende de 7.000 €.

Monsieur Z., qui a, pour sa part, assuré l’intérim de la direction de l’hôpital à compter du 8 mars 2021 avant d’être nommé directeur le 4 janvier 2022, a vu sa responsabilité atténuée par là au motif de la crise sanitaire. La Cour n’en a pas moins jugé que n’ayant procédé au mandatement des sommes dues que le 2 août 2022, il a accusé un retard coupable qui justifiera sa condamnation à une amende de 2.000 €.

Enfin, Madame A., attachée d’administration hospitalière durant toute la période incriminée, se voit reprocher de n’avoir pas suffisamment alerté sa hiérarchie sur les risques encourus à ne pas respecter les décisions de justice, alors qu’elle était en charge du contentieux et n’ignorait rien des condamnations prononcées à l’encontre de l’établissement. Son abstention est jugée coupable et elle est condamnée à une amende de 1.000 €.

Cet arrêt prend incontestablement la forme d’un rappel à l’ordre sévère à l’attention des directeurs et cadres des hôpitaux. Les obligations et responsabilités qui pèsent sur eux en matière d’exécution de jugements ne sont pas minces et la Cour des Comptes vient d’indiquer, sans ambages, qu’elle n’avait pas l’intention de les en soustraire. A bon entendeur !