Une pratique managériale génératrice de souffrance au travail ne saurait à elle seule, caractériser le délit de harcèlement moral. ; tel est l’apport principal de l’arrêt du 25 juin 2024 aux termes duquel la Cour de cassation confirme sa jurisprudence en matière de harcèlement moral institutionnel et apporte des précisions sur l’action civile.
Par arrêt du 3 mai 2023, une directrice d’un centre public hospitalier avait été déclarée coupable du chef de harcèlement moral, les juges du fond ayant retenu une dureté de son management ayant généré une souffrance au travail au préjudice de quatre agents de son service ; sur l’action civile, la cour d’appel s’était déclarée matériellement compétente.
La directrice évoquait plusieurs moyens au soutien de son pourvoi :
- L’évocation d’un exercice normal de son pouvoir de direction justifié par l’intérêt du service– cause exclusive de responsabilité :
La chambre criminelle a rejeté ce moyen validant le raisonnement de la Cour d’appel qui avait considéré : « si le délit de harcèlement moral doit être distingué d’un management qui crée de la souffrance au travail, pour autant, les éléments de contexte ne peuvent être ignorés dans l’appréciation de la culpabilité de [la prévenue] à l’endroit de chacun des agents concernés, s’agissant notamment du caractère intentionnel des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale ».
Cette motivation s’inscrit dans la lignée de celle retenue dans le secteur privé et notamment rappelé dans un arrêt du 19 octobre 2021.
- Le défaut d’élément intentionnel: La Chambre criminelle a rappelé que la seule conscience de la dégradation des conditions de travail engendrée par des méthodes de management suffit à caractériser l’élément moral.
En l’espèce, cet élément moral a été déduit de la connaissance par la directrice des souffrances générées sur les agents par son management, celle-ci ayant notamment été alertée par l’Inspection du travail.
- L’incompétence du juge judiciaire sur l’action civile: la cassation est intervenue sur ce moyen, la Chambre criminelle ayant considéré que les juges du fond ne pouvaient se déclarer compétents sans avoir recherché si les fautes imputées présentaient un caractère personnel détachable du service.
Sur le fond, cet arrêt s’inscrit dans la jurisprudence constante de la Cour de cassation qui rappelle la nécessité de caractériser, pour chaque agent, les agissements susceptibles de relever du harcèlement moral, et non de procéder à une approche globale en confondant le management ferme et le harcèlement moral.
Elle semble toutefois évoluer vers une plus grande considération du contexte managérial défaillant à l’origine des faits constitutifs du délit de harcèlement moral.