Vie des acteurs publics
le 18/09/2025

Gens du voyage : une aire d’accueil sur laquelle le séjour s’est sédentarisé ne permet pas de regarder comme remplies les obligations du schéma départemental d’accueil des gens du voyage (SDAV) et, par conséquent, de permettre au maire d’interdire le stationnement en dehors de cette aire

CAA Versailles, 6 mars 2025, n° 24VE02695

Les EPCI, compétents en matière d’accueil des gens du voyage[1], sont tenus de créer, d’aménager, d’entretenir et d’assurer la gestion des aires et terrains dont le schéma départemental d’accueil des gens du voyage (SDAGV) a prévu l’implantation sur leur territoire[2].

Les communes membres d’un EPCI compétent remplissent, quant à elles, leurs obligations en accueillant sur leur territoire les aires et terrains susvisés[3].

Dans ce cadre, le maire d’une commune membre peut faire usage de ses pouvoirs de police afin d’interdire, par arrêté, le stationnement des résidences mobiles des gens du voyage en dehors des aires et terrains implantés sur le territoire communal[4].

En cas de stationnement effectué en violation d’un tel arrêté, le maire peut alors demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux, étant précisé que cette mise en demeure ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques[5].

L’exercice de ce pouvoir de police du maire est toutefois subordonné au respect, par son EPCI, d’au moins l’une des six conditions définies à l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000, parmi lesquelles figure, notamment, l’obligation de satisfaire aux obligations en matière de création, d’aménagement, d’entretien et de gestion des aires d’accueil[6].

C’est de ce pouvoir de police dont avait fait usage le Maire de la Commune de Morangis (Essonne) pour interdire le stationnement des résidences mobiles en dehors de l’aire d’accueil implantée sur son territoire. Constatant la méconnaissance de cet arrêté, le maire avait saisi la préfète afin que celle-ci mette en demeure les occupants de quitter les lieux.

Saisi d’un recours en annulation de la mise en demeure par les occupants, le Tribunal administratif de Versailles avait rejeté leur demande[7]. En effet, alors que les requérants soutenaient que l’aire d’accueil de Morangis était indûment occupée par des familles sédentarisées et, qu’ainsi, la Commune ne pouvait être regardée comme ayant satisfait à son obligation de disposer d’une aire d’accueil, le tribunal a relevé, d’une part, que seules quelques familles disposaient d’une dérogation spécifique pour occuper de façon permanente cette aire dans l’attente de relogement et, d’autre part, et en tout état de cause, que les requérants n’établissaient pas avoir présenté une demande d’installation sur cette aire et qui aurait été rejetée.

La Cour administrative d’appel de Versailles a toutefois censuré ce raisonnement.

En effet, celle-ci a relevé que l’aire d’accueil de la commune de Morangis, d’une capacité de vingt-six places, avait été mise à disposition de huit ménages, dans l’attente de leur relogement, pour une période de deux ans qui avait été prolongée jusqu’au 15 octobre 2024. Cette aire était donc dédiée, depuis plus de trois ans, à des familles sédentarisées.

La Cour a alors estimé que, compte tenu de la durée de cette occupation, l’aire ne pouvait plus être regardée comme ouverte à l’accueil des gens du voyage itinérants – la durée maximale du séjour sur ces aires étant fixée, en principe, à trois mois consécutifs[8] –, de sorte que la commune de Morangis ne pouvait être regardée comme dotée d’une aire permanente d’accueil conforme aux prescriptions du SDAGV autorisant son maire à interdire le stationnement en dehors de cette aire.

Aucune des autres conditions énumérées à l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000 – qui aurait permis de fonder l’interdiction de stationnement – n’étant par ailleurs réunie, la Cour a jugé que l’arrêté municipal prévoyant cette interdiction ne pouvait servir de base légale à la mise en demeure litigieuse de la préfète et l’a annulée.

_____

[1] Depuis la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, (dite « MAPTAM ») pour les communautés urbaines et les métropoles et depuis la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite « NOTRe ») pour les communautés d’agglomération et les communautés de communes.

[2] Article 1er de la loi du 5 juillet 2000.

[3] Article 2, I, B de la loi du 5 juillet 2000.

[4] Article 9 de la loi du 5 juillet 2000.

[5] Article 9, II de la loi du 5 juillet 2000.

[6] Article 9, I 1° de la loi du 5 juillet 2000.

[7] TA Versailles, 4 octobre 2024, n° 2408461.

[8] Article 8 du décret du 26 décembre 2019 relatif aux aires permanentes d’accueil et aux terrains familiaux locatifs destinés aux gens du voyage et pris pour l’application de l’article 149 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et la citoyenneté.