Par un arrêt du 19 juillet 2024, le Conseil d’Etat, saisi par la commune de Saint-Aubin, a rappelé les circonstances dans lesquelles une faute commise par l’administration fiscale lors de l’exécution d’opérations se rattachant aux procédures d’établissement ou de recouvrement de l’impôt est de nature à engager la responsabilité de l’Etat à l’égard d’une collectivité territoriale ou de toute autre personne publique si elle lui a directement causé un préjudice.
Dans cette affaire, la commune de Saint-Aubin a demandé, le 14 décembre 2018, au ministre de l’Action et des Comptes Publics le versement d’une indemnité de 1.473.731 euros en réparation du préjudice qu’elle estimait avoir subi à raison de l’insuffisance d’imposition aux taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties du commissariat à l’Énergie Atomique et aux Énergies Alternatives (CEA) et de la société civile Synchrotron Soleil au titre des années 2016 et 2017.
En l’absence de réponse à sa demande, elle a saisi le Tribunal administratif de Versailles d’une demande tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser une indemnité du même montant en réparation de la perte de recettes fiscales correspondant.
Par le jugement attaqué du 28 octobre 2021, le Tribunal administratif de Versailles a reconnu la responsabilité de l’Etat et l’a condamné au versement de l’indemnité demandée. Néanmoins ce jugement a été annulé par la Cour administrative d’appel de Versailles qui a considéré qu’en l’absence de circonstances particulières, qui auraient dû, selon elle, nécessairement conduire l’Administration à réexaminer la situation de cet organisme, la demande indemnitaire devait être rejetée. Celle-ci a fait application de la jurisprudence dite « commune de Cherbourg-Octeville acte II » (CE,16 juillet 2014, commune de Cherbourg-Octeville, n° 361570) qui prévoit que :
« 11. Considérant qu’à la date du courrier du 19 juillet 2004 par lequel la commune de Cherbourg-Octeville a attiré l’attention des services fiscaux sur une possible sous-évaluation des bases d’imposition à la taxe professionnelle de la DCN, les bases déclarées au titre d’années antérieures à 2001 ne pouvaient plus faire l’objet de rehaussements ; que la circonstance que les services fiscaux n’aient pas spontanément engagé, avant l’expiration du délai de reprise, une vérification des bases déclarées par la DCN de 1996 à 2000 au titre de son établissement de Cherbourg-Octeville n’est pas, à elle seule, de nature à caractériser une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat, en l’absence de circonstances particulières qui, alors même que la taxe professionnelle est un impôt déclaratif, auraient dû nécessairement conduire l’administration à engager une vérification et à procéder à un rehaussement des bases d’imposition ; que l’existence de litiges portant sur les cotisations de taxe professionnelle dues par la DCN au titre d’années plus anciennes, invoquée par la commune, ne constitue pas une telle circonstance particulière »
Le Conseil d’Etat vient sanctionner ce raisonnement estimant que la faute invoquée procédait non d’une abstention des services fiscaux à contrôler les éléments déclarés par le CEA, mais de l’application erronée par l’administration fiscale d’une exonération tenant au seul statut du contribuable.
Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de rechercher si la Commune avait signalé cette erreur dans le délai de reprise et s’il existait des circonstances particulières devant conduire à une rectification spontanée des bases d’imposition de l’assujetti. Dit autrement l’erreur de droit commise par l’administration en matière fiscale constitue une faute qui permet aux collectivités locales d’engager la responsabilité de l’Etat.