Fiscalité et finances publiques
le 17/10/2024

Finances / fiscalité : les règles dérogatoires de contribution au Fonds de péréquation intercommunal et communal (FPIC) de la Métropole du Grand Paris déclarées contraires à la Constitution

CC, 25 avril 2024, Décision QPC n° 2024-1085

Par une décision du 25 avril 2024, le Conseil constitutionnel saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par la commune de Saint-Cloud portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du b de l’article L. 5219-8 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), a déclaré contraires à la Constitution ces dispositions, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

Pour rappel, les établissements publics territoriaux (EPT) sont des Etablissement public de coopération intercommunale (EPCI) sans fiscalité propre membres de la Métropole du Grand paris (MGP) dont le financement est qualifié par la Cour des comptes de complexe, inefficient et peu lisible (Cour des comptes, l’organisation territoriale de la métropole du grand paris bilan et perspectives, rapport public thématique, janvier 2023).

Les mécanismes financiers spécifiques qui ont été mis en place par les textes sont les suivants : les communes membres d’un EPT doivent donc contribuer au Fonds de compensation des charges territoriales (FCCT), ce qui a vocation à permettre à l’EPT d’assurer son fonctionnement (article L. 5219-5 XI A du CGCT).

Puis, un partage de la fiscalité économique avait été mis en place selon deux périodes distinctes :

  • Du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2020, les EPT ont perçu la cotisation foncière des entreprises (CFE), l’une des composantes de la fiscalité économique des entreprises ;
  • À compter du 1er janvier 2024, la totalité de la contribution économique territoriale est perçue par la MGP ce qui implique que leurs ressources proviennent essentiellement des versements réalisés par ses communes membres via le FCCT.

Indépendamment de ce FCCT, qui est un outil propre aux EPT, il existe par ailleurs un mécanisme national de péréquation pour le bloc communal qui a été mis en place par la loi de finances pour 2012 du 29 décembre 2011 : le Fonds de péréquation intercommunal et communal (FPIC), dont les règles de fonctionnement sont codifiées aux articles L. 2336-1 et suivants du CGCT.

Il s’agit d’un dispositif national de péréquation horizontale entre les communes et leurs groupements auquel les EPT et leurs communes membres participent, l’article L. 5219-8 du CGCT déclinant les règles du FPIC applicables au sein des EPT.

Dans le cadre de ce mécanisme, un prélèvement est calculé pour chaque ensemble intercommunal et est réparti entre l’EPT et ses communes membres selon des modalités fixées par les textes (article L. 2336-5 du CGCT) et un régime dérogatoire qui a été mis en place pour la MGP, les EPT et leurs communes membres et qui est décrit par le Conseil constitutionnel comme suit :

« Les règles particulières de contribution au FPIC applicables sur le territoire de la métropole du Grand Paris sont prévues par l’article L. 5219-8 du CGCT.

* Une première dérogation concerne l’ensemble intercommunal désigné comme contributeur au FPIC.

Le législateur a exclu que la métropole du Grand Paris, bien qu’elle soit un EPCI à fiscalité propre à statut particulier, puisse faire partie des contributeurs au FPIC. Il a désigné, à la place, les EPT comme ensembles intercommunaux contribuant au FPIC.

 * Une seconde dérogation au régime de droit commun concerne les règles de répartition du prélèvement entre les EPT et les communes :

– Par dérogation aux règles normales de répartition du prélèvement opéré au titre du FPIC au sein de l’ensemble intercommunal contributeur, le prélèvement supporté par un EPT est « égal à la somme des prélèvements supportés en 2015 par les groupements à fiscalité propre qui lui préexistaient » (a de l’article L. 5219-8 du CGCT) ;

 – Par ailleurs, le b du même article L. 5219-8 du CGCT (les dispositions objet de la décision commentée) instaure une règle dérogatoire qui fige la clé de répartition du montant restant dû par les communes membres d’un EPT de la métropole du Grand Paris.

 Ces dispositions prévoient en effet que le montant de la contribution au FPIC restant à répartir entre les communes membres de l’EPT l’est « en fonction des prélèvements de chaque commune calculés en 2015 en application du premier alinéa du II de l’article L. 2336-3 et, pour les communes n’appartenant pas à un groupement à fiscalité propre en 2015, en fonction des prélèvements calculés en 2015 en application du I du même article ».

 Le législateur a ainsi fait le choix d’une répartition dérogatoire de la contribution au FPIC au sein des ensembles intercommunaux de la métropole du Grand Paris consistant :

 – d’une part, à « geler » le prélèvement dû par chaque EPT, en valeur absolue, au niveau de ce qu’étaient les prélèvements supportés par les EPCI qui lui préexistaient en 2015 ;

– et, d’autre part, à répartir le reste du prélèvement dû par les communes membres de l’EPT en fonction d’une clé, elle aussi figée et déterminée à partir des prélèvements calculés pour ces communes en 2015 en application des dispositions de droit commun » (Commentaire Décision n° 2024-1085 QPC du 25 avril 2024 Commune de Saint-Cloud)

Et c’est précisément la répartition dérogatoire de la contribution au FPIC entre les EPT qui a été contesté par la commune de Saint-Cloud devant le Conseil constitutionnel par le truchement d’une QPC.

Le Conseil constitutionnel a sanctionné cette disposition estimant que la pérennisation d’une règle dérogatoire pour les prélèvements des communes membres d’un EPT qui tient compte de manière pérenne des plafonnements appliqués en 2015 au profit de certaines d’entre-elles caractérisait une atteinte à l’égalité devant les charges publiques. En effet, cette règle laisse subsister une différence de traitement entre les communes sans prendre en compte l’évolution de leurs capacités contributives.

Du point de vue très pratique, le Conseil constitutionnel a reporté la date d’abrogation des dispositions contestées au 1er janvier 2025 et a enjoint les juridictions saisies de recours dont l’issue dépend de l’application des dispositions déclarées inconstitutionnelles de surseoir à statuer jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou, au plus tard, jusqu’au 1er janvier 2025.