Numérique et télécom
le 09/02/2023

Fibre optique / désordres / pouvoirs de police du maire / Mode STOC

CA de Versailles, 5 janvier 2023, n° 21/07352

Dans un arrêt en date du 5 janvier 2023, la Cour d’appel de Versailles apporte une précision intéressante sur le pouvoir de police du maire et l’intérêt à agir d’une commune contre les opérateurs d’infrastructure du fait des problèmes relatifs à la fibre optique.

Face à l’ampleur et à la persistance des dégradations des armoires de rue et des déconnexions des abonnés à la fibre optique, de nombreux maires ont adopté des arrêtés municipaux, voire pris des mesures, comme le fait de cadenasser les armoires de rue en demandant aux raccordeurs mandatés les fournisseurs d’accès internet de prendre la clé dans les locaux de la police municipale.

Le litige soumis à la Cour d’appel de Versailles concernait une action contentieuse introduite par une commune directement contre un opérateur d’infrastructure tendant à ce soit « reconnue sa responsabilité dans le déficit de sécurisation des points de mutualisation en tant qu’opérateur d’infrastructures et qu’il lui soit enjoint de prendre de nouvelles mesures permettant une meilleure sécurisation des points de mutualisation sur l’ensemble du territoire de la commune d’Argenteuil et une meilleure contractualisation des sous-traitants ».

La Cour d’appel retient la fin de non-recevoir soulevée par l’opérateur d’infrastructure au motif du défaut d’intérêt à agir de la commune. Selon la Cour d’appel, la Commune ne peut « exercer en justice une action dont la visée est réservée à d’autres organes reconnait l’absence d’intérêt à agir de la commune contre XP Fibre ». Or, selon la Cour d’appel – et là est son apport, « Seule l’Arcep et le Ministre chargé des communications électroniques sont habilités à réguler, contrôler et sanctionner les opérateurs au titre de l’exploitation de leur réseau de fibre optique ».

Le principe de non-intervention du pouvoir de police générale, en lieu et place de la police spéciale des communications électroniques de l’ARCEP et du ministre chargé des communications électroniques prévue à l’article L. 32-1 du Code des postes et des communications électroniques, a été consacré par une jurisprudence administrative abondante en matière d’arrêtés municipaux interdisant ou restreignant l’installation d’antennes de téléphonie mobile (CE, 26 octobre 2011, Commune de Saint-Denis, n° 326492 ; Commune de Pennes-Mirabeau, n° 329904 ; Société française de radiotéléphonie (SFR), n° 341767).

A notre connaissance, c’est la première fois qu’une décision de justice applique ce principe à l’égard de réseaux en fibre optique (dits FTTH).

Si l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles ne porte pas directement sur l’exercice du pouvoir de police générale du maire à l’égard d’un réseau en fibre optique, l’absence d’intérêt à agir de la commune contre l’opérateur d’infrastructure découle directement de la reconnaissance du pouvoir de police spéciale des communications électroniques à l’ARCEP et au Ministre.

On peut logiquement penser que les arrêtés municipaux et mesures dits anti « mode STOC » (sous-traitance du raccordement fibre par l’opérateur d’infrastructure à l’opérateur commercial prévue par la décision n° 2015-0776 du 2 juillet 2015 de l’ARCEP) encourent le même sort que les arrêtés municipaux interdisant ou restreignant l’installation d’antennes de téléphonie mobile, en cas de recours.

En revanche, la reconnaissance du pouvoir de police spéciale des communications électroniques à l’ARCEP et au Ministre induit la possibilité d’engager leur responsabilité en cas de faute lourde du fait de leur activité de contrôle des opérateurs de réseaux en fibre optique.