le 03/05/2018

Feuille de route pour l’économie circulaire : identification des mesures qui concernent plus particulièrement les collectivités territoriales

La feuille de route pour l’économie circulaire

La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique a fixé des objectifs clairs en matière d’économie circulaire : réduire de moitié la quantité de déchets mis en décharge à l’horizon 2025, lutter contre l’obsolescence programmée, valoriser 55 % des déchets non dangereux d’ici 2020, utiliser au moins 40 % de papier recyclé d’ici 2020 dans les services de l’Etat et des collectivités… (voir La promotion de l’économie circulaire dans la loi sur la transition énergétique : une nouvelle approche de la gestion des déchets, Focus LAJEE, nov. 2015)

Dans ce cadre et afin d’accélérer la transition énergétique et climatique et la mise en œuvre de l’Accord de Paris sur le climat du 12 décembre 2015, un Plan Climat a été présenté par le ministre de la Transition écologique et solidaire en juillet 2017 qui définissait notamment les objectifs à atteindre en matière d’économie circulaire. L’objectif affirmé de la feuille de route Economie circulaire est de définir les modalités concrètes pour mettre ean œuvre les objectifs ambitieux de ce Plan climat en matière d’économie circulaire.

Afin d’élaborer cette feuille de route, une plateforme de consultation publique a été lancée du 30 octobre au 6 décembre 2017 afin de recueillir les attentes et propositions concrètes de chaque citoyen pour alimenter la feuille de route. Le 23 avril 2018, le Premier ministre et la secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, Madame Poirson, ont présenté la feuille de route Economie Circulaire.

La feuille de route propose 50 mesures définies selon 4 grands axes de l’économie circulaire : mieux produire, mieux consommer, mieux gérer les déchets, et mieux mobiliser les acteurs tant privés que publics. Le Gouvernement y présente des mesures phares telles que la mise en place d’un indice de réparabilité sur les équipements électriques et électroniques obligatoire à partir de 2020 afin de lutter contre l’obsolescence programmée ou encore la généralisation du logo Triman sur tous les produits recyclables à destination des ménages à compter de 2021.

Toutefois, parmi les mesures présentées, certaines sont susceptibles d’intéresser particulièrement les collectivités à qui un rôle important est donné en la matière.

  1. La réalisation d’actions dans la gestion du service public des déchets

–          Accélérer la collecte des emballages recyclables, les bouteilles plastiques et les canettes (mesure n°17)

Afin d’encourager la collecte de déchets recyclables hors foyers, notamment dans les zones urbaines les plus denses, le Gouvernement veut créer une nouvelle consigne solidaire pour les bouteilles plastiques et les canettes au profit d’une grande cause environnementale ou de santé. Cette mesure ne concerne que les collectivités volontaires qui bénéficieront alors d’un soutien financier spécifique reversé par les éco-organismes agréés de la filière des emballages.

–          Faciliter le déploiement du tri à la source des biodéchets par les collectivités (mesure n°23)

Les collectivités volontaires pourront adopter un programme de mise en œuvre du tri à la source des biodéchets suivants deux étapes :

1)      Période temporaire uniquement pour la collecte de biodéchets ménagers (restaurants, cantines collectives…);

2)      Généralisation de ce tri à la source aux biodéchets des ménages.

  1. La réalisation d’actions propres aux collectivités

–          Une meilleure gestion des déchets des personnes morales (mesure n°38)

Les déchets des entreprises représentent 350 millions de tonnes annuelles, c’est-à-dire dix fois plus que les déchets ménagers. La feuille de route indique alors que les règles d’acceptation en décharge et en incinérateur des déchets des personnes morales (entreprises, collectivités locales, administrations, associations) vont être modifiées à partir de 2019. En effet, ces déchets ne seront acceptés qu’après justification via une attestation par un prestataire que le bois, le papier/carton, le métal, le plastique, le verre et les biodéchets ont été triés en vue d’une valorisation et retirés des déchets, comme c’est déjà le cas pour les déchets des ménages collectés par les collectivités.

–          Généraliser et pérenniser l’action territoriale autour de l’économie circulaire (mesure n°43)

Tout d’abord, la feuille de route devra être présentée aux acteurs économiques et institutionnels par les Conseils régionaux et les préfets de régions. Ces derniers devront également promouvoir l’économie circulaire dans les projets d’aménagement notamment grâce aux démarches d’Écoquartiers. De plus, « un rôle de soutien à l’animation dans les territoires des démarches d’économie circulaire » est confié aux conseils régionaux qui pourront développer une stratégie régionale allant plus loin que les plans et schémas régionaux obligatoires et pouvant contenir « un volet d’observation, notamment pour les flux de ressources et les créations d’emplois ».

Par ailleurs, il est rappelé le rôle que jouent les collectivités pour la prévention des déchets en passant d’un « service public de gestion des déchets » à un « service public de prévention et de gestion des déchets » (mis en place par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique).  Le service public de prévention et de gestion des déchets, défini à l’article L.541-1 du Code de l’environnement, permet de contribuer à l’objectif d’augmentation de la quantité des déchets faisant l’objet d’une valorisation (voir La promotion de l’économie circulaire dans la loi sur la transition énergétique : une nouvelle approche de la gestion des déchets, Focus LAJEE, nov. 2015).

–          Déployer l’économie circulaire à l’aide de la commande publique et du dispositif « administration exemplaire » (mesure n°44)

En premier lieu, le Gouvernement souhaite inciter les administrations à donner les biens amortis et en bon état et dont elles n’ont plus l’usage au profit de structures relevant de l’économie sociale et solidaire. La feuille de route indique également qu’au moins 50 % des distributeurs automatiques de boissons dans les services de l’Etat devront différencier au niveau des prix, l’achat avec ou sans gobelet d’ici l’horizon 2021. Elle fixe également à l’Etat, à ses opérateurs et aux collectivités, l’objectif d’utiliser au moins 50 % de papier recyclé à compter du 1er janvier 2022. Toujours dans le cadre de l’exemplarité de l’Etat, de ses opérateurs et de ses collectivités, sont inscrits d’une part d’objectif d’utilisation de pneumatiques rechapés ou rechapables pour leurs flottes de véhicules lourds et d’autre part, l’objectif d’utilisation de téléphones issus du réemploi par les services de l’Etat.

En second lieu, est évoqué, l’intégration de l’économie circulaire dans les stratégies de commande publique (charte d’achat public durable, abaissement du seuil à partir duquel devient obligatoire le Schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPASER), statistiques issues de l’observatoire économique de la commande publique…).

  1. Des mesures financières incitatives

–          Les incitations financières pour le recyclage et la valorisation des déchets (mesure n°21)

La feuille de route inscrit précisément à la 21ème mesure que « Toutes les collectivités qui engagent une vraie démarche en faveur de l’économie circulaire verront leurs charges baisser ». En effet, le gouvernement cherche à adapter la fiscalité pour rendre la valorisation des déchets moins chère que leur élimination en réduisant le taux de la TVA à 5,5 % pour la prévention, la collecte séparée, le tri, la valorisation des déchets et en augmentant les tarifs de la composante déchets de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) pour la mise en décharge et l’incinération. Concernant la hausse de la TGAP, le gouvernement envisage un doublement d’ici à 2025 qui a été fortement critiqué par les collectivités. Sans inscrire cet objectif dans la feuille de route, le gouvernement donne néanmoins « rendez-vous aux collectivités pour débattre de cette trajectoire d’augmentation dans le cadre de la Conférence nationale des territoires en juin prochain » (Feuille de route pour l’économie circulaire : un bilan en demi-teinte pour les collectivités, La gazette des communes, 26 avril 2018).

–          Faciliter le déploiement de la tarification incitative de la collecte des déchets (mesure n°22)

Les collectivités qui mettent en place une tarification du service en fonction de la quantité de déchets pourront bénéficier, pendant les trois premières années de la tarification, d’une réduction des coûts de fonctionnement de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM). Une réduction des contraintes administratives leur sera également appliquée afin de permettre un produit de la taxe incitative supérieur de 10 % au produit de la taxe de l’année précédente (pour la première année de son instauration). Il est encore prévu rendre systématique la facturation entre collectivités en fonction des quantités de déchets collectés ou traités et interdire la facturation forfaitaire lorsque l’information nécessaire est disponible. Enfin, le déploiement de la tarification incitative passera par la communication de retour d’expériences et de bonnes pratiques dans ce domaine.

–          Extension du principe pollueur-payeur avec le développement de filières REP (mesures n°28 et 29)

Le dispositif de « responsabilité élargie des producteurs » (REP) oblige les metteurs sur le marché à prendre en charge financièrement la fin de vie de leurs produits (voir Eco-organismes et collectivités : les engagements à venir pour la période 2018-2022, Focus LAJEE, fév. 2017). La feuille de route pour l’économie circulaire propose un certain nombre de modification du système en place afin de donner une plus grande marge de manœuvre aux éco-organismes tout en renforçant le contrôle de l’Etat. En effet, toutes les filières REP seront soumises à des obligations de résultats et les éco-organismes pourront être passibles de sanctions s’ils n’atteignent pas les objectifs. Le Gouvernement annonce également étendre, en concertation avec les acteurs concernés, le périmètre des filières REP existantes des déchets diffus spécifiques des ménages aux assimilés (artisans) et des véhicules hors d’usages aux véhicules à moteur non couverts. Le Gouvernement envisage encore de déployer de nouvelles filières REP pour des produits aujourd’hui exonérés du principe pollueur-payeur : le secteur des jouets, des articles de sport et de loisirs, des articles de bricolage et de jardin et des cigarettes ainsi qu’un dispositif financier pour inciter la reprise d’anciens téléphones portables. Ainsi, « Ces gisements, qui bénéficieront de leur propre financement devraient, théoriquement, moins peser, à terme, sur le budget du service public de gestion des déchets. » (Feuille de route pour l’économie circulaire : un bilan en demi-teinte pour les collectivités, La gazette des communes, 26 avril 2018).

Les dispositions de la feuille de route doivent se traduire « d’ici 2019 par des mesures législatives à travers la loi de transposition de la nouvelle directive européenne sur les déchets et dans les travaux d’élaboration des lois de finances à venir ».

 Clémence DU ROSTU,  Avocate Directrice du Secteur Environnement