le 02/02/2017

Eco-organismes et collectivités : les engagements à venir pour la période 2018-2022

Le cahier des charges relatif à la filière REP des emballages ménagers, issu de l’arrêté du 29 novembre 2016

L’avis n°16-A-27 rendu par l’Autorité de la concurrence, le 27 décembre 2016, concernant l’ouverture de la filière traitement des emballages ménagers à plusieurs éco-organismes

La responsabilité élargie des producteurs (REP) est une notion qui a vu le jour avec l’adoption du décret n° 92-377 du 1er avril 1992 portant application, pour les déchets résultant de l’abandon des emballages, de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 modifiée, relative à l’élimination des déchets et à la récupération des matériaux.

Si elle vise les personnes fabriquant, détenant en vue de la vente ou mettant en vente ou à disposition de l’utilisateur des produits générateurs de déchets, et donc plutôt des personnes privées, la REP donne à ces dernières un rôle dans la prévention et la gestion des déchets. Ce qui les conduit notamment à participer à l’activité des collectivités publiques dans le domaine du tri et de la collecte des déchets ménagers.

A la suite de l’adoption de l’arrêté du 29 novembre 2016 relatif à la procédure d’agrément et portant cahier des charges des éco-organismes de la filière des déchets d’emballages ménagers pour la période 2018-2022 et de l’avis n° 16-A-27 rendu par l’Autorité de la concurrence, le 27 décembre 2016, concernant l’ouverture de la filière traitement des emballages ménagers à plusieurs éco-organismes, la présentation des relations à venir entre les éco-organismes et les collectivités semble opportune.

I – La constitution des éco-organismes

En application de l’article L. 541-10 du Code de l’environnement, le principe de la responsabilité élargie du producteur (REP) implique « qu’il peut être fait obligation aux producteurs, importateurs et distributeurs de ces produits ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication de pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent ».

Ces producteurs, importateurs et distributeurs peuvent s’acquitter de leur obligation de deux manières :

  • soit par la mise en place de systèmes individuels de collecte et de traitement des déchets issus de leurs produits ;
  • soit collectivement, par le biais d’éco-organismes auxquels ils versent une contribution financière et transfèrent leur obligation.

Les éco-organismes sont agréés par l’Etat pour une durée maximale de six ans renouvelable s’ils établissent qu’ils disposent des capacités techniques et financières pour répondre aux exigences d’un cahier des charges, fixé par arrêté interministériel, et après avis de l’instance représentative des parties prenantes de la filière.

On notera ici à toutes fins utiles qu’un décret est récemment venu modifier les dispositions relatives aux conditions d’agrément des éco-organismes prévue aux articles R. 541-86 et suivants du Code de l’environnement.

II – Le rôle des éco-organismes dans la prévention et la gestion des déchets ménagers auprès des collectivités

Les éco-organismes jouent un rôle important dans la prévention et la gestion des déchets auprès des collectivités dès lors qu’il leur appartient de contribuer financièrement aux opérations de tri et de collecte des déchets ménagers, entreprises par les autorités compétentes.

Ainsi, aux termes du cahier des charges relatif à la filière REP des emballages ménagers, issu de l’arrêté du 29 novembre 2016, il appartient  aux éco-organismes de conclure avec les collectivités un contrat-type visant à mettre en œuvre les principes généraux et les objectifs définis dans ledit contrat pour la période 2018-2022 (un contrat-type transitoire pour 2017 est également prévu).

Les déchets concernés sont donc les emballages ménagers, qui sont définis par l’Autorité de la concurrence, dans son avis du 27 décembre 2016, comme étant « tout emballage d’un produit vendu ou remis gratuitement à un ménage qui est mis sur le marché en vue de la consommation ou de l’utilisation du produit qu’il contient et dont le ménage se défait  ou  a  l’intention  de  se  défaire,  quel  que  soit  le  lieu  d’abandon  (dans  la  poubelle  des  ménages ou hors foyer) ».

Le cahier des charges prévoit alors que l’éco-organisme « met en œuvre les actions nécessaires pour contribuer activement à ce que soit atteint, en 2022, l’objectif national de 75 % de recyclage de l’ensemble des emballages ménagers (dont leurs détenteurs se défont au domicile des ménages comme en dehors des foyers) mis sur le marché en France ». L’éco-organisme doit, par ailleurs, couvrir « les coûts de collecte, tri et traitement supportés par les collectivités territoriales ayant contracté avec l’un quelconque d’entre eux à hauteur de 80 % des coûts nets de référence d’un service de collecte et de tri optimisé ».

Le contrat-type signé entre l’éco-organisme et la collectivité compétente en matière de déchet prévoit les engagements de chacun dans le domaine considéré. En substance, les engagements doivent, à suivre le cahier des charges, être les suivants :

  • s’agissant de l’éco-organisme, il doit : verser des soutiens financiers à la collectivité territoriale contractante ; transmettre aux collectivités territoriales annuellement un récapitulatif justifié des tonnages soutenus et des soutiens versés ; permettre une simplicité des modalités administratives ; assurer le contrôle des déclarations des tonnages.
  • s’agissant de la collectivité, elle s’engage à : assurer une  collecte  séparée  prenant  en  compte l’ensemble  des  déchets d’emballages soumis à la consigne de tri ; mettre  en  place  d’ici  2022,  l’extension des  consignes  de  tri  à l’ensemble des emballages plastiques ; mettre  à  jour  ses  consignes  de  tri  des  emballages  sur  tous  les supports ; déclarer  les  tonnages  recyclés,  au  moins  semestriellement ; accepter  que  les  données  individuelles  qu’elle  transmet  à l’éco-organisme  soient communiquées   à   l’ADEME,   dans   le   respect   du   secret   industriel   et commercial ainsi que les  données  individuelles  relatives  à  la  collecte  et  au  traitement  des déchets d’emballages qu’elle transmet au titulaire soient communiquées aux conseils  régionaux  dans  le  cadre  de  l’élaboration  et  du  suivi  des  plans régionaux de prévention et de gestion des déchets, dans le respect du secret industriel  et    Les  modalités  de  ce  transfert  font  l’objet  d’une convention.

Ce contrat fixe également des objectifs pour chacune des parties :

  • à l’éco-organisme, qui s’engage à verser un soutien de transition entre les barèmes E et F selon les modalités décrites dans le cahier des charges et à apporter à la collectivité les soutiens techniques nécessaires pour l’aider à la mise en œuvre des actions d’amélioration de la collecte et du tri et des différentes étapes mises en place de l’extension des consignes de tri, notamment les outils techniques.
  • à la collectivité, qui s’engage à maintenir ses performances de recyclage pour chaque matériau, chaque année, au moins au niveau de celles de 2016, suivant des critères d’appréciation clairement définis dans le contrat ; rechercher les moyens d’améliorer les performances environnementales et technico-économiques de la collecte et du tri, en veillant à assurer un niveau de qualité de service au public au moins comparable et à un coût maîtrisé pour la collectivité ; fournir, au plus tard avant fin 2019, un échéancier prévisionnel de mise en œuvre des moyens permettant que l’extension des consignes de tri soit opérationnelle avant fin 2022.

On notera également une particularité pour la période 2018-2022 résidant dans l’obligation pour les éco-organismes de proposer à la collectivité, en complément des soutiens financiers qui lui incombent, des mesures d’accompagnement pour le déploiement de nouveaux moyens de collecte et de tri en vue de l’élargissement des consignes de tri ou pour l’optimisation de leur dispositif existant afin de contribuer à l’atteinte des objectifs nationaux fixés tout en optimisant les coûts. Le montant alloué aux mesures d’accompagnement est d’au moins 150 millions d’euros pour l’ensemble  des éco-organismes  au titre  de l’ensemble  de la période d’agrément.

III – Vers une filière opérationnelle favorisant les éco-organismes au détriment des collectivités

Dans son avis du 27 décembre 2016, l’Autorité de la concurrence acte du fait que la période 2018-2022 doit permettre aux éco-organismes de se développer et ainsi faire jouer la concurrence, tout en constatant que leur marge de manœuvre reste limitée pour avoir un réel impact sur le coût de la filière.

Le rapport fait alors apparaître le manque d’efficacité des modalités de collecte et de tri sélectifs par les collectivités qui n’est pas suffisamment corrigé par les participations financières versées par les éco-organismes. Il insiste sur le fait que « les collectivités qui ne sont pas des entreprises, n’ont pas nécessairement des comportements vertueux en termes de coûts de collecte, de tri ou de traitement, comme le montrent les résultats très contrastés relevés en France. Par ailleurs, les collectivités n’entrent pas en concurrence entre elles ».

L’Autorité préconise alors d’adopter des mesures visant à développer la concurrence entre les éco-organismes à qui il conviendrait de confier, dans un souci opérationnel, la collecte sélective, du tri et du traitement des déchets d’emballages ménagers, ainsi que cela existe déjà pour les déchets d’équipements électriques et électroniques.

Face à cette situation, l’Association des Maires de France (AMF) a réagi en publiant un communiqué de presse, le 24 janvier dernier, par lequel elle indiquait ne pouvoir « accepter   que   plus   de   25   ans   d’investissements   pour   des équipements  de  collecte  et  de  tri, réalisés  par  les communes  et  intercommunalités, soient rayés d’un trait de plume en préconisant le passage à une filière opérationnelle, c’est-à-dire dans   laquelle   le   tri  serait   réalisé  directement   par   les  éco-organismes.   En 2015, les collectivités avaient déjà investi plus de 1,5 milliard (hors foncier). Elles vont encore devoir investir  des  sommes  conséquentes, entre  1,2  et  1,8  milliard, pour  accueillir  les  nouveaux emballages en plastique et optimiser leurs équipements. Dans  ce  contexte,  le  passage brutal à  une  filière  opérationnelle rendrait inutiles ces équipements  dans  6  ans ».

Rejetant ainsi le principe d’une filière gérée par les éco-organismes, si ce n’est pour les collectivités qui entreprendraient cette démarche volontairement, l’AMF déplore qu’ « au moment où les pouvoirs publics entendent dynamiser la politique de recyclage en mettant en application la loi sur la transition énergétique pour une croissance verte […] il soit envisagé d’en écarter les collectivités qui en sont les moteurs ».

Pour sa part, l’association AMORCE, qui regroupe de très nombreux acteurs du secteur des déchets (collectivités, associations, entreprises) a vivement réagi à l’adoption de l’arrêté du 29 novembre 2016 en considérant, dans son communiqué du 15 décembre 2016 que « la publication du cahier des charges d’agrément pour la période 2018-2022, issu d’une négociation en catimini à laquelle Amorce n’a pas été associée, représente un vrai recul pour les collectivités. Ce texte sous-évalue en effet délibérément les coûts de gestion d’emballages pour réduire (à tonnage identique) le financement par les éco-organismes de la collecte, du tri et de la valorisation des déchets d’emballages assurés par les collectivités territoriales, et ce depuis 2018 ».