Environnement, eau et déchet
le 08/12/2022
Pauline DELETOILLEPauline DELETOILLE

Fermeture des stations de lavage bretonnes : le Tribunal administratif de Rennes rejette la demande de suspension des arrêtés préfectoraux

TA de Rennes, 27 octobre 2022, n° 2202084

L’année 2022 a été la plus chaude jamais mesurée en France depuis le début des relevés en 1900. Les trois vagues de chaleur enregistrées pendant l’été se sont accompagnées d’une sécheresse historique, et de fait, plusieurs mesures réglementaires sont intervenues afin d’en limiter les effets.

Les articles L. 211-3 et R. 211-67 du Code de l’environnement permettent au préfet compétent de prendre un arrêté, dit arrêté-cadre, fixant le cadre des modalités de préservation et de gestion de la ressource en eau, en période de sécheresse, dans le département. Sont également déterminées les restrictions à mettre en œuvre en fonction du niveau de gravité déterminé par des seuils de gestion (vigilance, alerte, alerte renforcée, sécheresse). Le préfet peut ensuite prendre des mesures de limitation ou de suspension provisoire des usages de l’eau, pour faire face à une menace ou aux conséquences d’accidents, de sécheresse, d’inondations ou à un risque de pénurie.

Cette procédure a été mise en œuvre dans le département d’Ille-et-Vilaine :

  • Arrêté du 11 juin 2021 : cet arrêté-cadre délimite les secteurs et les seuils de gestion sur le territoire du département, pour la période du 1er avril au 30 novembre de chaque année ;
  • Arrêtés des 18 juillet, 25 juillet et 2 août 2022 : ces arrêtés placent le département, selon les secteurs et le débit journalier des cours d’eau, en situation d’alerte, d’alerte renforcée ou de crise sécheresse ;
  • Arrêté du 12 août 2022 : face à l’aggravation de la situation, cet arrêté place l’ensemble du département en crise sécheresse et prescrit un ensemble de restrictions et d’interdictions de prélèvements et des usages des eaux, dont la fermeture des stations de lavage (sauf pour un certain nombre d’exceptions) ;
  • Arrêté du 20 octobre 2022 : ce dernier arrêté place le département en alerte renforcée et l’activité des stations de lavage est interdite, à l’exception d’une piste de lavage à haute pression par station jusqu’au 30 novembre 2022.

Sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, plusieurs sociétés de lavage ont demandé la suspension de l’exécution des arrêtés des 12 août et 20 octobre 2022, en tant qu’ils ont interdit puis rétabli partiellement l’activité des stations de lavage.

A noter que si le référé-suspension, enregistré le 7 octobre 2022, n’était dirigé initialement qu’à l’encontre de l’arrêté du 12 août, la clôture de l’instruction a été différée à l’issue de l’audience, permettant au juge des référés de prendre en considération l’arrêté préfectoral du 20 octobre. Les sociétés requérantes ont donc formulé, à l’encontre de ce dernier, des conclusions à fin de suspension.

D’une part, le juge des référés considère qu’il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions présentées à l’encontre de l’arrêté du 12 août, ce dernier ayant été abrogé par l’arrêté du 20 octobre.

D’autre part, s’agissant du second arrêté, il convient de revenir sur les dispositions applicables.

En droit, l’article L. 211-1 du Code de l’environnement dispose que les dispositions du titre Ier du Livre II de ce Code « ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ». Cette dernière « doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l’alimentation en eau potable de la population […] ».

L’article R. 211-66 du même Code prévoit que les mesures prises par le préfet en application de l’article L. 211-3 sont « proportionnées au but recherché [et] ne peuvent être prescrites que pour une période limitée, éventuellement renouvelable. Dès lors que les conditions d’écoulement ou d’approvisionnement en eau redeviennent normales, il est mis fin, s’il y a lieu graduellement, aux mesures prescrites ».

En l’espèce, le juge retient que l’arrêté préfectoral du 20 octobre 2022 répond, en l’état de l’instruction, à la nécessité de faire face à la menace de sécheresse ou à un risque de pénurie de la ressource en eau. Le juge se fonde utilement sur les conditions climatiques, et en particulier le déficit pluviométrique constaté dans le département depuis le début de l’année.

Cet arrêté est également, selon le juge, proportionné au but recherché, dans la mesure où ce dernier relève que le préfet a opéré une conciliation entre :

  • L’exercice de l’activité des sociétés requérantes, notamment les atteintes invoquées par ces dernières à la liberté d’entreprendre et à la liberté du commerce et de l’industrie ;
  • Les exigences d’une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau, qui doit nécessairement prioriser les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l’alimentation en eau potable de la population.

Le juge des référés relève en outre qu’ « il ne résulte pas de l’instruction que l’objectif de préservation de la ressource en eau potable pourrait être atteint, eu égard à la situation à la date de la présente ordonnance, par des mesures moins contraignantes que celles édictées par l’arrêté en litige ».

Enfin, le juge des référés considère que les mesures prescrites sont limitées dans le temps, dès lors qu’elles peuvent être modifiées « en fonction de l’observation de l’état de la ressource en eau » et que l’arrêté n’est « en tout état de cause applicable que jusqu’au 30 novembre 2022 ».

Par conséquent, le juge des référés considère qu’il n’existe aucun moyen, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige, y compris sur les atteintes à la liberté d’entreprendre et à la liberté du commerce et de l’industrie invoquées devant lui.

Dès lors, les conclusions à fin de suspension de la requête ne peuvent, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la condition d’urgence, qu’être rejetées.