Fonction publique
le 13/10/2022

Faute disciplinaire : des propos tenus sur un groupe WhatsApp peuvent justifier une sanction disciplinaire

TA Rouen, 26 octobre 2021, n° 2004524

CE, 7 mars 2022, n° 451731

CAA Nancy, 22 septembre 2016, n° 15NC00771 

CAA Bordeaux, 4 mai 2022, n° 19BX02151

A la fin de l’année 2021, la découverte d’un groupe WhatsApp où des policiers avaient pour habitude d’échanger des messages à caractère raciste par l’un de leurs collègues visés par ces messages a connu un retentissement médiatique important.

Les cinq policiers poursuivis ont fait l’objet d’une amende pénale pour injures non publique à caractère raciste, et ceux qui étaient titulaires ont été révoqués pour ces mêmes faits.

Si le fait de tenir des propos à caractère raciste ou discriminatoire est évidemment fautif (CE, 7 mars 2022, n° 451371), la circonstance que ces propos aient été tenus sur une messagerie à caractère privé rendait la possibilité de prononcer une sanction disciplinaire, a fortiori la sanction de la révocation, loin d’être évidente.

Rappelons en effet que depuis quelques années, le juge administratif a eu l’occasion d’apprécier le caractère fautif de propos pouvant être tenus sur les réseaux sociaux, dès lors que les messages en cause étaient publics ou accessibles au public (CAA Nancy, 22 septembre 2016, n° 15NC00771 ; CAA Bordeaux, 4 mai 2022, n° 19BX02151).

En l’espèce, le Tribunal administratif de Rouen a considéré que « la circonstance que les commentaires de M. A., fondement de la sanction en litige, ont été tenus via l’application Whatsapp, fussent-ils protégés par le secret de la vie privée, n’est pas de nature à priver de base légale la sanction prise à son encontre dès lors qu’un comportement dans la vie privée peut être de nature à justifier une sanction disciplinaire lorsqu’il est incompatible avec la qualité d’agent public, qu’il a pour effet de perturber le bon déroulement du service ou de jeter le discrédit sur l’administration ».

Le Tribunal a ainsi écarté les moyens de défense tendant au secret de la vie privée et a relevé au contraire que des propos tenus dans un groupe de discussion, malgré le caractère privé de tels échanges, peuvent justifier une sanction disciplinaire puisqu’un comportement, même dans la vie privée, peut être de nature à fonder une sanction lorsqu’il est incompatible avec la qualité d’agent public.

En l’occurrence, eu égard au caractère raciste et injurieux des messages, de leur nombre très élevé, du discrédit jeté sur l’administration notamment du fait de la médiatisation de cette affaire (et ce, quand bien même les agents sanctionnés n’en auraient pas été à l’origine), du fait que ces messages pouvaient être accessibles à des tiers présents sur ce groupe, le Ministre de l’Intérieur n’a pas commis d’erreur d’appréciation ni pris une sanction disproportionnée en révoquant les deux policiers.

Ce jugement marque une avancée supplémentaire quant à l’appréciation du caractère fautif de propos échangés sur les réseaux sociaux ou les applications de messagerie en incluant les échanges à caractère privé qui ne résistent pas à la possibilité pour l’administration dans certains cas de tenir compte de faits qui n’ont pas toujours eu lieu dans le cadre de l’exercice des fonctions.