Droit pénal et de la presse
le 15/02/2024

Entre la « pantoufle » et la « botte » , il faut choisir : des précisions de la Cour de cassation sur le délit de pantouflage

Cass. Crim., 13 septembre 2023, n° 23-80.347

Par un arrêt en date du 13 septembre 2023, la chambre criminelle de la Cour de cassation a précisé le champ d’application du délit réprimé par l’article 432-13 du Code pénal, dit délit de pantouflage, qui sanctionne en substance la prise illégale d’intérêts commise par un ancien agent public – fonctionnaire, titulaire de fonctions exécutives locales, agent d’établissements publics, de société d’économie mixte, etc. – au titre d’une participation dans une entreprise privée ou assimilée dont il avait la charge d’assurer le contrôle ou la surveillance, dans un délai de trois ans suivant la cessation de ces fonctions.

En l’espèce, une société avait porté plainte et s’était constituée partie civile pour des faits de prise illégale d’intérêts – dans leur forme issue de l’article 432-13 précité – imputés à un ancien membre de l’Autorité de la concurrence (anciennement Conseil de la concurrence) y ayant exercé des fonctions entre 1999 et 2012. Cette société lui reprochait en effet d’avoir, entre 2012 et 2015, pris une participation par travail, en prodiguant des conseils et recommandations en matière de droit de la concurrence à une entreprise dont il aurait assuré la surveillance ou le contrôle dans le cadre de ses fonctions au sein de l’Autorité de la concurrence. Saisi d’une demande de l’intéressé à cette fin, la chambre de l’instruction avait annulé sa mise en examen de ce chef au motif que l’article 432-13 du Code pénal ne visait pas, à la date des faits, les membres d’une autorité administrative indépendante.

Tout en confirmant cette décision d’annulation, la chambre criminelle de la Cour de cassation rejette ce moyen et saisi l’occasion de préciser les contours de cette infraction :

  • Sur l’auteur de l’infraction (le moyen retenu par l’arrêt déféré) : la Cour considère qu’en dépit de l’absence de mention de l’article 432-13 du Code pénal dans sa rédaction antérieure[1] à la loi du 20 janvier 2017[2], le délit de pantouflage pouvait être imputé aux membres d’une autorité administrative indépendante, cette fonction étant inclue dans la notion d’« agent d’une administration publique » ;[3]
  • Sur le pouvoir exercé par l’auteur dans le cadre de ses fonctions publiques: la Cour rappelle que l’auteur doit avoir exercé une surveillance effective de l’entreprise ou de l’opération concernée, le seul fait que l’agent « ait eu vocation à connaître ces éléments en raison de son statut » ne suffisant pas ;[4]
  • Sur le point de départ du délai de trois ans: la Cour tranche enfin et de manière explicite la question en retenant qu’il court, non pas à compter de la cessation des fonctions de l’auteur[5] mais de la « cessation de la surveillance ou du contrôle » que l’auteur a exercé lors de ses fonctions.

Cette précision est la bienvenue d’autant qu’elle s’inscrit dans la continuité de l’appréciation de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique qui considérait déjà que le délai de trois ans courrait « à partir du dernier acte de surveillance ou de contrôle, de la date de conclusion du dernier contrat, de la dernière décision adoptée ou, encore, du dernier avis formulé, chacun de ces actes correspondant à l’exercice effectif des fonctions »[6].

[1] Issue de la Loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique

[2] Loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes

[3] §13, §21, §22

[4] §27

[5] §26

[6] Guide déontologique II, Contrôle et prévention des conflits d’intérêts, HATVP, publié le 1er février 2021, p.19