Le 28 novembre 2024, le ministre de l’Intérieur a mis fin aux incertitudes grandissantes relatives à la durée du mandat des conseillers municipaux, dont la plupart a été installée en juillet 2020, en raison de la période de confinement et du report du 2nd tour des élections municipales[1]. En effet, en se fondant sur l’article L. 227 du Code électoral combiné au 2° du II de l’article 17 de la loi du 22 juin 2020[2] qui prévoyait déjà que les mandats des conseillers municipaux et communautaires[3] seraient renouvelés en mars 2026, le Ministre a indiqué que le renouvellement des mandats des conseillers municipaux interviendra en mars 2026[4]. Un décret en Conseil des ministres qui devrait intervenir au dernier semestre 2025 précisera la date exacte des deux tours.
Dans cette attente, à compter du 1er septembre 2025 s’ouvrira une période de réserve durant laquelle deux limites contraindront la communication institutionnelle des communes et intercommunalités mais aussi de leurs satellites locaux.
1. Les limites légales à la communication institutionnelle
Le Code électoral a institué deux limites à la communication en période préélectorale qui entrent en vigueur six mois avant les élections.
L’alinéa 2 de l’article L. 52-8 du Code électoral interdit aux personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, de financer la campagne électorale d’un candidat, en lui consentant des dons ou en lui fournissant des biens, services ou avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux habituellement pratiqués.
Cette interdiction, qui doit être mise en relation avec l’article L. 52-4 du Code électoral relatif à la mission du mandataire financier de recueillir les fonds destinés au financement de la campagne, s’applique désormais six mois avant les élections et non plus dans le délai d’un an précédant le scrutin[5].
Le 2ème alinéa de l’article L. 52-1 du Code électoral interdit lui aux collectivités de réaliser des campagnes de promotion publicitaire de leur gestion et de leurs réalisations. Partant, ces deux interdictions s’appliqueront à compter du 1er septembre 2025, néanmoins la prudence doit rester de mise avant cette date.
S’agissant tout d’abord des dons, notons que le législateur n’a pas entendu définir ce qu’il faut entendre par dons. Toutefois, il ressort de la jurisprudence et du guide du candidat et du mandataire financier[6], régulièrement produit par la Commission Nationale des Comptes de Campagne et de Financements politiques (CNCCFP), que cette interdiction s’applique donc aussi bien aux dons provenant de personnes morales privées ou publiques tierces, qu’à ceux provenant d’une collectivité publique au sein de laquelle le candidat exercerait des fonctions électives. Partant, des actions de communication institutionnelle en faveur d’un candidat, élu-sortant, peuvent constituer des dons.
S’agissant des campagnes de promotion publicitaire, on considère traditionnellement qu’il y a campagne de promotion dès lors que l’initiative de communication dépasse l’information classique pour devenir un instrument de promotion des réalisations d’une municipalité et de ses élus. Toutefois, notons que la campagne de promotion publicitaire n’a jamais, à proprement parler, été définie par le législateur ou par la jurisprudence.
Ainsi, l’interdiction s’étend à tous les supports de communication qu’il soit interne ou externe. Le Conseil d’Etat a ainsi estimé que constitue une campagne de promotion publicitaire au sens de l’article L. 52-1 du Code électoral la distribution massive dans les boîtes aux lettres du magazine d’information générale de la ville à des jours de diffusion inhabituels correspondant à la veille et à l’avant-veille du second tour des élections départementales[7].
2. Le faisceau d’indices jurisprudentiels
Les notions de campagne de promotion et de don prohibé sont appréciées au cas par cas par le juge de l’élection au regard d’un faisceau d’indices, qui se compose de trois critères principaux :
- L’antériorité : L’action de communication qui a un caractère habituel et traditionnel, telle que l’envoi d’une lettre d’information périodique ou l’organisation d’une commémoration annuelle, présentera de fait moins de risque qu’un évènement ou un support de communication inédit.
Ce critère permet de s’assurer que l’action de communication litigieuse ou l’évènement n’a pas été créé spécifiquement en vue des élections. Il exclut, a priori, la création de tout nouveau support pendant la période légale de restriction même si la jurisprudence a pu considérer que la création d’un site internet comportant une présentation générale de la Commune ne peut être regardée comme une campagne de promotion publicitaire quelques mois avant le scrutin[8].
- La continuité et l’identité du support : La collectivité peut continuer les actions de communication régulièrement organisées mais elle ne peut en modifier la forme et la fréquence (même régularité pour les publications, même tirage, pas de modification de la pagination en augmentant notamment le nombre de pages, pas de modification de la charte graphique). Notons qu’il convient également d’être vigilant à la mobilisation de nombreux supports de communication pour l’organisation d’un évènement.
- La neutralité du contenu : Enfin, l’information délivrée dans les campagnes de communication ne doit comporter que des messages politiquement neutres, à caractère purement informatif.
Il faut souligner qu’il s’agit d’indices et non de critères cumulatifs, ce qui veut dire que le fait qu’ils ne soient pas réunis simultanément n’empêche pas le juge de considérer qu’il se trouve en présence d’une campagne prohibée.
Il est primordial de relever que le contenu du message et donc l’indice de neutralité prévaudra dans l’appréciation faite par le juge de l’élection. Par ailleurs, il existe un risque important, sans qu’il soit automatique, pour que l’opération qualifiée de promotion de la collectivité soit considérée comme ayant bénéficié directement ou indirectement à l’élu candidat.
3. Les sanctions applicables
Certaines sanctions sont strictement attachées à la méconnaissance de l’article L. 52-1 du Code électoral ou de l’article L. 52-8 du Code électoral, tandis que d’autres peuvent être prononcées indifféremment en cas de méconnaissance de l’une ou l’autre de ces dispositions.
En effet, les sanctions peuvent être prononcées soit à l’occasion d’un recours devant le tribunal administratif dirigé contre les élections, soit à l’occasion du rejet du compte de campagne par la Commission Nationale des Comptes de Campagne et des Financements Politiques (CNCCFP), qui dans ce cas est amenée à saisir le tribunal administratif.
Dans le premier cas, le tribunal administratif, juge des élections municipales, peut être saisi dans un délai de cinq jours à compter de la proclamation des résultats par tout électeur de la circonscription, les candidats et le préfet. Dans ce cadre, la sanction n’est pas automatique et dépend notamment de l’influence de l’action de communication organisée sur les résultats du scrutin, notamment si l’écart de voix est faible[9].
A cet égard, le juge électoral peut éventuellement prononcer l’annulation des élections si l’irrégularité a été de nature à en altérer la sincérité ou en cas de réintroduction de dépenses ou de recettes dans le compte de campagne du candidat, et si, et seulement si, il y a un écart faible entre les voix obtenues par les candidats[10]. Le critère de l’« écart de voix » est un élément décisif du raisonnement du juge électoral lorsque celui-ci apprécie si la sincérité d’un scrutin a été altérée ou non. Les protestataires et les juges doivent donc déterminer si, au cas d’espèce, l’écart de voix est suffisamment faible, ou au contraire trop élevé, pour entraîner l’annulation de l’élection[11].
On peut aussi avoir une rectification des élections, s’il s’agit de retrancher des voix.
Dans le second cas, si la réintégration du montant des dons prohibés dans le compte de campagne a pour effet d’entraîner un dépassement du plafond des dépenses électorales, la CNCCFP pourra décider de rejeter le compte de campagne et de saisir le juge de l’élection, qui pourra déclarer le candidat inéligible[12].
Le candidat pourra également se voir refuser le remboursement de ses dépenses de campagne par l’Etat ou être condamné à une peine d’amende.
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La vigilance devra donc être de mise à compter du 1er septembre 2025 et les plans de communication annuels devront donc être travaillés au regard de cette échéance. En réalité, le 1er septembre 2025 ne doit pas être conçu comme une date butoir au-delà de laquelle la communication devra être stoppée mais elle doit conduire les élus à s’interroger sur l’objectif poursuivi par chaque publication, qu’elle soit papier ou numérique. Les supports qui auront été publiés avant le 1er septembre 2025 devront aussi être contrôlés, le juge se plaçant à la date à laquelle il peut visualiser le support et non à la date à laquelle il a été publié.
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[1] Décret n° 2020-642 du 27 mai 2020 fixant la date du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon, et portant convocation des électeurs
[2] Loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l’organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires
[3] Ainsi que les conseillers d’arrondissement et, à Paris, les conseillers de Paris
[4] Questions écrites n° 02021 d’Isabelle Florennes, n° 01868 de Louis Vogel, n° 01758 de Pierre-Jean Verzelen et n° 02282 de Corinne Féret, réponses au Journal officiel du Sénat du 28 novembre 2024.
[5] Loi n° 2016-508 du 25 avril 2016 de modernisation de diverses règles applicables aux élections
[6] https://www.cnccfp.fr/wp-content/uploads/2022/04/cnccfp_2022_guide_candidat_et_mandataire_2_compressed.pdf
[7] CE, 16 mars 2016, Elections cantonales de Niort 3, n° 394533
[8] CE, 2 juillet 1999, n° 201622
[9] v. notamment : CE, 28 juillet 1993, Elections cantonales de Bordères-sur-L’Echez, n° 142586 ; CE, 14 novembre 2008, Elections municipales de Vensac, n° 317316 ; CE, 16 mars 2016, n° 394533
[10] CE, 5 juin, 1996, Elections municipales de Morhange, n° 173642 ; CE, 16 mars 2016, Elections cantonales de Niort 3, n° 394533
[11] Romain Rambaud, contentieux des élections municipales : les « lois » de l’écart de voix, AJDA 2020
[12] Article L. 118-3 du Code électoral ; CE, 31 juillet 2009, Pons, n° 322310.