Un photographe a réalisé le portrait d’un candidat qui conduisait à l’époque la liste Front National (FN) pour l’Ile-de-France, afin d’illustrer sa campagne.
Un contrat de cession de droits accompagnant le règlement des prestations du photographe a été conclu, prévoyant l’exploitation du portait (plus précisément, de 5 photographies) sous forme d’affiches et de tracts.
En 2020, le photographe s’est aperçu que lesdites photographies été réutilisées par le candidat en vue des élections municipales du mois de mars.
La SAIF[1], organisme de gestion collective à qui le photographie a confié la gestion de ses droits de photographe pour toute exploitation audiovisuelle et numérique, après une mise en demeure de l’association du parti politique de s’acquitter d’une facture complémentaire pour cette nouvelle exploitation demeurée infructueuse, l’a assignée devant le Tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de ses droits d’auteur.
Les juges du fond ont d’abord examiné l’originalité des photographies litigieuses rappelant « L’originalité de l’œuvre, qu’il appartient à celui invoquant la protection de caractériser, suppose qu’elle soit issue d’un travail libre et créatif et résulte de choix arbitraires révélant la personnalité de son auteur » afin d’appliquer le régime de protection légale posé par le Code de la propriété intellectuelle.
Alors que la SAIF a argumenté sur le travail du photographe en invoquant les choix opérés par ce dernier lors de la phase préparatoire et lors de sa prise de vue, les juges de la 3e chambre ont pour leur part retenu que « ces choix sont ceux opérés dans le cadre de la réalisation d’un portrait classique ». Plus spécifiquement, ils ont relevé que la mise en scène adoptée était « minimale » et relevait du « fonds commun de la photographie », que « le cadrage (dans les normes du portrait institutionnel), l’angle de vue (légère plongée) ou la lumière (éclairage naturel) » ne présentaient pas « dans le cas d’espèce, de caractère original ». Les juges en ont déduit à l’absence de protection par le droit d’auteur et, par voie de conséquence, l’absence de contrefaçon.
Cette décision rappelle la difficulté des photographes à prouver l’originalité de leur travail, d’autant plus en matière de portraits réalisés dans le cadre professionnel, ou électoral. En effet, si un photographe de portrait peut théoriquement faire valoir un droit d’auteur sur son travail, la preuve de choix libres et créatifs fait en pratique souvent défaut[2]. La jurisprudence reste donc particulièrement stricte en ce qui concerne les portraits.
En outre, sur le terrain de la faute contractuelle, le tribunal a rappelé que la cession de droits de 2015 prévoyant une cession « pour utilisation sur le matériel de campagne électorale », sans aucune précision quant à une campagne en particulier, le parti n’avait pas commis de faute en réutilisant la photographie pour une autre campagne.
Notons ici que l’association du FN n’a même pas pris la peine de se constituer.
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[1] La société des auteurs des arts visuels et de l’image fixe organisme de gestion collectif compétent dans le domaine des arts visuels
[2] A titre d’exemple, voir aussi une décision rendue par le Cour d’appel de Versailles du 25 octobre 2022 (n° 21/01681) dans laquelle il a été confirmé que des photographies de portrait d’un acteur n’étaient pas protégeables par le droit d’auteur, rappelant ainsi que « le critère des choix, pour libres ou arbitraires qu’ils soient, ne suffit pas à octroyer la protection du droit d’auteur. Ces choix doivent en outre révéler l’empreinte de la personnalité de l’auteur. »