Environnement, eau et déchet
le 06/04/2023

Dérogations espèces protégées : les mesures de réduction doivent être prises en compte

CE, 27 mars 2023, Parc éolien de Mailhac-sur-Benaize, n° 452445

Au fil de sa jurisprudence sur la question de la nécessité ou non d’obtenir une dérogation « espèces protégées », particulièrement fournie sur le sujet, le Conseil d’Etat consolide et affine la position de principe qu’il a dégagée au sein de son avis contentieux en date du 9 décembre 2022 (cf. notre article sur le sujet).

Au sein de cet avis, le Conseil d’Etat avait notamment indiqué que l’obtention d’une dérogation espèces protégées n’est imposée que si le risque pour les espèces en cause est « suffisamment caractérisé » et que, pour l’appréciation de ce risque, doivent être prises en compte « les mesures d’évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire ». Si ces mesures présentent des garanties d’effectivité suffisantes et permettent de réduire le risque porté par le projet sur les espèces protégées identifiées lors de l’étape précédente, de sorte que celui-ci ne serait, au final, pas « suffisamment caractérisé », la sollicitation d’une dérogation espèces protégées n’est pas nécessaire.

Dans un arrêt n° 452445 en date du 27 mars 2023, le Conseil d’Etat a ainsi annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel qui avait considéré qu’une dérogation espèces protégées aurait été nécessaire dès lors que le projet était envisagé au sein d’une réserve de biodiversité et qu’il était susceptible d’affecter la conservation d’espèces protégées, et avait souligné que les mesures d’atténuation des impacts ne permettaient pas d’écarter tout risque pour les espèces concernées, notamment en ce qu’elles constituaient de simples mesures de réduction et non d’évitement. Le Conseil d’Etat censure donc ce raisonnement en indiquant que le juge, qui s’est borné à constater que les mesures visant à atténuer l’impact du projet sur la biodiversité ne permettaient pas d’écarter tout risque pour les espèces concernées, aurait dû examiner les garanties d’effectivité de ces mesures et non écarter les mesures de réduction de son analyse.

Au sein d’une autre décision du même jour, n° 451112, le Conseil d’Etat a considéré que s’était livrée à un examen approprié, et avait suffisamment établi l’existence d’un risque caractérisé d’un projet sur des espèces protégées, la Cour administrative d’appel qui a relevé les incidences du projet sur des espèces protégées, puis a énuméré les mesures d’évitement et de réduction prévues et pris en compte de l’effectivité de ces mesures.

Enfin, dans un troisième arrêt du 27 mars 2023, n° 455753, le Conseil d’Etat a confirmé le raisonnement d’une Cour administrative d’appel qui avait considéré que l’obtention d’une dérogation espèces protégées n’était pas nécessaire pour la réalisation d’un projet dès lors que « compte tenu des mesures d’évitement ainsi prévues, le projet n’était pas susceptible de causer la destruction de spécimens d’espèces animales protégées ou de dégrader leurs sites de reproduction ou de repos ». En l’espèce, le projet devait être réalisé sur un site où un faible nombre de chiroptères avait été observé et pour lequel des mesures d’évitement étaient prévues au cas où des spécimens de rapaces seraient ultérieurement découverts.