Environnement, eau et déchet
le 05/10/2023

Dérogation espèces protégées et construction de logements sociaux

CAA Nancy, 28 septembre 2023, Sociétés Batigère et Batigère Maison familiale, n° 20NC03693

Comment apprécier l’existence ou non d’une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) pour accorder une dérogation espèces protégées dans le cadre d’un projet de construction de logements sociaux ? La Cour administrative d’appel (CAA) de Nancy a, par un arrêt en date du 28 septembre 2023, apporté des précisions sur cette question.

Lorsque les nécessités de préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d’espèces animales non domestiques, l’article L. 411-1 du Code de l’environnement interdit la destruction, la perturbation intentionnelle, la dégradation ou l’altération des espèces de flore et de faune sauvages protégées ou leur habitat. L’article L. 411-2, 4° du Code de l’environnement prévoit néanmoins que l’autorité administrative compétente peut délivrer des dérogations à ces interdictions, dites « dérogations espèces protégées », dans cinq hypothèses limitativement énumérées et notamment pour des « raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique ». Cette dérogation ne peut toutefois être octroyée que s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et si la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

Dans cette affaire, deux sociétés avaient obtenu un permis de construire trois bâtiments comprenant soixante logements locatifs sociaux et dix-huit logements en accession sociale à la propriété. Des spécimens de salamandre tachetée ayant été identifiés à proximité du site du projet, le préfet leur avait accordé une dérogation espèce protégée, contestée devant le juge par des associations et riverains.

La CAA annule alors cette dérogation espèces protégées au motif que, si le projet présente bien un intérêt public, il ne répond toutefois pas à une RIIPM aux motifs que :

  • Ce projet privé n’était pas nécessaire pour atteindre les objectifs d’intérêt public d’aménagement durable et de politique du logement social dès lors que la commune satisfait, à la date de la décision attaquée, aux exigences de la loi SRU ;
  • Il n’est pas établi que ces objectifs ne pourraient autrement être atteints qu’au détriment des terres agricoles environnantes ;
  • Il n’est pas démontré que le secteur connaîtrait une situation de tension particulière en matière de logement social en raison d’une hausse démographique prévisible et d’un besoin non satisfait ;
  • D’autres sites permettant le développement de ce type de projets existent sur le territoire de la commune et de la communauté d’agglomération, et qu’il n’est pas établi que le site qui avait été retenu pour le projet serait moins attentatoire à la conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvage.